vendredi 2 avril 2010

John Welwood - Les paradoxes de la relation ...



.... Le chemin consistant à travailler sur les polarités et les contradictions de l'être humain - « la voie du milieu» selon la terminologie bouddhiste classique - implique de ne pas s'identifier à quoi que ce soit : ni au plaisir ni à la douleur, ni au fait d'être séparés ou ensemble, ni à l'attachement ni au détachement.
La voie du milieu n’est pas une sorte de base médiane terne. Elle exige davantage que nous soyons à chaque instant agi1es et éveillés, afin de ne pas nous rigidifier dans quelque position ce soit, aussi justifiée qu'elle puisse nous paraître.
Le fait de ne pas nous figer dans une attitude préserve notre sensibilité vis-à-vis de ce qui est nécessaire à chaque instant, de sorte que la danse de la relation intime peut continuer d'évoluer de manière fluide. Quand deux personnes sont trop investies dans leurs positions (par exemple: «J'ai besoin d'être plus proche» contre «J'ai besoin de plus d'espace»), elles deviennent polarisées et la danse se fige dans un grincement.

La voie du milieu ne consiste pas à soupeser une chose par rapport à une autre pour que les plateaux de la balance soient au même niveau. Il s'agit d'un processus beaucoup plus dynamique et immédiat, qui implique de devenir conscients de la façon dont nous perdons notre équilibre. Quand nous perdons notre assise, cette perte même d'équilibre nous éveille ; et en nous éveillant, nous retrouvons notre assise.
Retrouver notre assise signifie revenir au présent, abandonner l'identification avec telle ou telle position et porter un regard neuf sur ce qui se passe et sur ce que requiert la situation à l'instant même.

Non pas que nous ne devions jamais prendre position ; en fait à l'instant même, la situation peut exiger de moi que je défende ce qui est important pour moi, que je me batte même" pour cela," si nécessaire. Mais demain, les circonstances peuvent m’amener à abandonner cette position, à capituler et à laisser le besoin de mon ou ma partenaire avoir la préséance sur les miens .

Le paradoxe de la relation est qu'elle nous invite à être pleinement nous-même, à exprimer sans hésitation qui nous sommes, à prendre position sur cette terre et, en même temps, à abandonner des positions fixes et les attachements que nous leur portons.
Le non-attachement dans la relation ne signifie pas que nous ne devons pas avoir de besoins ni qu'il ne faut pas leur prêter attention. Si nous ignorons ou négligeons nos besoins, nous nous coupons d'une partie de nous-mêmes et avons, par là même, moins à offrir de nous-mêmes à notre partenaire.
Le non-attachement, au sens le plus élevé, signifie ne pas être identifiés à nos besoins, à ce que nous aimons ou pas. Nous reconnaissons certains besoins et, cependant, nous sommes également reliés à notre être plus vaste, là où ces besoins n'ont pas d'emprise sur nous. Nous pouvons alors soit revendiquer notre désir soit l'abandonner, en fonction des données de l'instant.


John Welwood - Pour une Psychologie de l'Eveil - Editions La Table Ronde