samedi 29 janvier 2011

Jean Yves Leloup - Entrer en contact avec notre véritable nature


Sur la voie de la compassion, nous découvrons que le fond de notre être est bon, que la nature de notre être est don, ce qui n'est pas si évident. Il y a pourtant en nous une générosité fondamentale qui est la première de toutes les perfections.

Il est possible de "donner", à condition de dépasser cette mentalité de mendiant que nous avons malheureusement développée en nous, cette attitude qui fait que nous avons sans cesse besoin des autres, où nous n'arrêtons pas de demander aux autres. Nous pensons qu'il est impossible de donner tant que nous n'avons pas reçu, or nous n'avons jamais assez reçu, notre père et notre mère ne nous ont jamais "assez" aimés, nous sommes toujours en manque ... Tant que nous restons dans cette attitude de mendiant, la générosité fondamentale de notre être ne peut s'éveiller.
Nous sommes riches dans la mesure où nous sommes capables de donner, et c'est là notre noblesse.

Il ne faut pas vouloir être bon, vouloir pardonner à tout prix, il ne faut pas chercher à pardonner avec la force du "moi", parce que le moi en est incapable. « Au moment où je reconnais les limites de mon amour, de ma capacité d'aimer, je peux m'ouvrir aussi à "quelque chose" qui, en moi est capable d'aimer : c'est cela entrer en contact avec notre véritable nature, qui est générosité et bonté.

Adhérer à cette nature de bouddha, agir non plus à partir du "moi" mais à partir de l'éveillé (ou du Christ ou du Bouddha) qui est en nous, c’est entendre : « Moi » je ne sais pas aimer, « Je » ne peux pas aimer. Mais il y a en moi quelque chose de plus grand que moi qui, lui, peut aimer, il y a en moi un mode de fonctionnement auquel je ne suis pas habitué, pour lequel je n'ai pas été formé et qui pourtant, si je le laisse s'exprimer, me rend capable d'actes que mes seules forces ne permettraient pas.


Jean Yves Leloup - La montagne dans l'Océan - Editions Albin Michel




mardi 25 janvier 2011



"Continuez de croire que, grâce à vos sentiments et à vos actes,
vous participez aux desseins les plus nobles.

Mieux vous entretiendrez en vous cette flamme,
plus la réalité et le monde en tireront profit pour aller de l'avant."


Rainer Maria Rilke


jeudi 20 janvier 2011


Tous les jours à votre réveil, pensez
Aujourd’hui je suis fortuné de m’être réveillé
Je suis vivant
J’ai une vie humaine précieuse
Je ne vais pas la gâcher
Je vais utiliser toutes mes énergies
Pour me développer personnellement
Pour étendre mon cœur à tous les êtres."

Dalai Lama


samedi 8 janvier 2011

Jean Yves Leloup - "L'oeil de la nuque"



Le regard ordinaire est la plupart du temps un regard frontal, un œil «flèche» qui vise, définit, objective. Il voit des «choses» et s’il les voit «bien», «précisément», il est heureux.

Un autre regard est possible. Il ne part pas des yeux ou du front, mais de derrière les yeux, de derrière la tête, depuis ce qu'on pourrait appeler «l'œil de la nuque». C'est davantage un regard «coupe» qui accueille ; il ne vise rien, il acquiesce à ce qui est sans chercher à le définir ou à l'objectiver.
Il ne voit pas des «choses», mais un champ d'énergie ou de lumière dans lequel des lignes, des formes, des densités apparaissent ...
Si le mot existait, il faudrait dire que «l' œil de la nuque» veut davantage «infinir» que «définir» ce qu'il voit. Autant dire qu'il ne veut rien ; il laisse planer l'oiseau dans son vol, il ne cherche pas à le saisir.

Regarder quelque chose ou quelqu'un, un paysage, un corps ou un visage avec «l'œil de la nuque», c'est cesser immédiatement de se l'approprier, c'est le rendre à l'espace, à l'entre-deux, au «fond» ; à ce qui ne se voit pas dans le visible.
On ne voit pas «le fond», mais peut-être, parfois ce qui dans une image le laisse pressentir ... Il ne s'agit pas de «faire abstraction du réel», mais de voir l'abstraction du Réel.

"L'œil de la nuque" correspond à ce moment de recul où le regard, prenant conscience de ses projections, s’efface. Ce moment d'effacement ou de retrait correspond à un regard qui peut alors accueillir. Ce regard créateur n'est ni déterminant (il n'objective pas) ni déterminé (il ne se laisse pas imprimer «impressionner» par quelque chose de particulier).

«L'œil de la nuque» place le regard humain dans son ouverture maximale ; il le replace dans l’ouvert ... Il ne s'agit pas seulement du « regard éloigné » qu'on reconnaît au sage, mais du regard infini de l'infini Réel…


Jean Yves Leloup - Qui est "je suis"? - Editions du Relié



lundi 3 janvier 2011

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Chercher le miel ou le frelon de notre âme ?


L'arbre ne se soucie pas de plaire, d'être un nid pour l'aigle ou pour la colombe. Il ne choisit pas ses oiseaux. Etre la demeure de l'aigle ou le nid de la colombe ne le fait pas pousser plus haut.
Il est ce qu'il est. L'arbre aux basses branches est autant aimé des singes que des enfants. Il ne donne pas moins aux uns qu'aux autres.

Ainsi l'homme juste : il est ce qu'il est. Il se donne tel qu'il est. A chacun de le prendre, de le recevoir selon sa capacité ou son bon plaisir.
Il dit ce qu'il est, ce que le Souffle lui inspire ; sachant que ses paroles pourront être plus ou moins bien interprétées selon l'oreille de celui qui écoute.

Avec les mêmes fleurs, les abeilles font leur miel et les frelons leur venin.
Si une parole nous pique, ne pas accuser les arbres, ne pas accuser le printemps.

Chercher plutôt le frelon de notre âme...


dimanche 26 décembre 2010

Nous naissons à chaque instant...


Dans le bouddhisme, nous disons que la vie et la mort sont l’apparition d’une pensée et la disparition de cette pensée. Apparaître et disparaître ; des pensées viennent et vont… Voilà ce que l’on appelle « la vie et la mort ».

Une pensée apparaît, c’est ce que nous appelons «la vie». Une pensée disparaît, c’est ce que nous appelons «la mort». Cela signifie que nous naissons à chaque instant et que notre vie est sans cesse renouvelée.

Malheureusement, entre la vie et la mort, entre deux pensées, nous interposons notre ego. De cette manière, nous percevons à la fois la vie et la mort. Le point de vue de notre ego intervient pour que nous soyons contents de la vie et que nous haïssions la mort. C’est cela qui nous bouleverse.

Ce n’est rien d’autre que le point de vue de notre ego.


Sekkei Harada - L’Essence du Zen, entretiens sur le Dharma à l’attention des Occidentaux - Editions de l’Eveil -


mercredi 22 décembre 2010

Osho - Etre conscient et harmonieux, extatique et compatissant



La santé n'est pas uniquement un phénomène physique. Cet aspect est seulement l'une de ses dimensions et l'une des dimensions les plus superficielles parce que fondamentalement le corps va mourir, sain ou malsain, il est momentané.

La « vraie » santé se produit quelque part en vous, dans votre subjectivité, dans votre conscience, parce que la conscience ne connaît aucune naissance, aucune mort. Elle est éternelle.

Que veut dire être sain dans la conscience ? C’est d'abord être conscient, puis être harmonieux, ensuite être extatique et enfin, être compatissant. Ce sont les quatre piliers de la santé intérieure.

Danser, chanter, vous réjouir peut vous rendre plus harmonieux. Il y a un moment où le danseur disparaît et seule la danse demeure. Dans cet espace rare, une harmonie est ressentie. Lorsque le chanteur est complètement oublié et seul reste le chant ; lorsqu'il n'y a aucun centre qui fonctionne et seul reste le chant ; lorsqu'il n'y a aucun centre fonctionnant en tant que "Je" et que vous êtes dans un flux, cette conscience fluide est Harmonie.

Être conscient et harmonieux crée une possibilité pour l'extase de se produire. L'extase signifie la joie ultime, inexprimable. Aucun mot n'est adéquat pour indiquer quoi que ce soit à son sujet et lorsque l'on a atteint à l'extase, lorsque l'on a connu l'ultime sommet de la joie, la compassion découle naturellement. Lorsque vous avez cette joie, vous aimez la partager, vous ne pouvez pas éviter de partager, partager est inévitable. C'est la conséquence logique de posséder. Cela commence à déborder, vous n'avez rien besoin de faire. Cela commence à se produire de lui-même.



dimanche 12 décembre 2010

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Jean Yves Leloup - Le bien-être est déjà là ...



Un bon thérapeute ne regarde pas "seulement" la maladie, mais aussi tout ce qui est en bonne santé chez un malade. L'expression « prendre soin de l'Etre », chez les thérapeutes d'Alexandrie, peut sembler paradoxale. Elle revient à dire : «soigner Dieu dans l'autre». Soigner Dieu ?... Qu'est-ce que cela peut bien signifier ?
Soigner Dieu dans l'autre, c'est croire et expérimenter que l'autre va guérir à partir du point de santé qui est en lui. Quand on parle de la nature de bouddha en nous, il s'agit de ce quelque chose en nous qui n'est pas malade, déjà éveillé, non né, non conditionné.
Nous sommes déjà sauvés, déjà guéris, en bonne santé, mais nous ne le savons pas, nous n'en faisons pas l'expérience. L'expérience du salut (soteria), c'est l’esprit saint en nous.

Ce n'est pas le médecin qui guérit, mais la nature. Le thérapeute, quel qu'il soit, met la personne qui souffre dans les conditions qui permettront à la nature de la soulager.
C'est l'Etre qui guérit de l'intérieur. Cela suppose de la part du thérapeute, ou de celui qui est sur un chemin spirituel - celui qui travaille au bien-être de tous les vivants - de savoir que le bien-être est déjà là, ce n'est donc pas lui qui l'apporte.

Nous devons nous le répéter chaque fois que nous soignons quelqu'un : nous n'allons pas guérir la personne, nous allons simplement créer les dispositions les plus favorables pour que puisse opérer ce qui est sain en elle.
Ce n’est pas nous qui allons apporter ce qu'il y a de plus précieux, car cela se trouve déjà dans la personne. Il y a au milieu de nous quelqu'un que nous ne connaissons pas ; il y a au cœur de nous une dimension de vie, de plénitude, de paix, que nous n'avons jamais goûtée.

Cette considération nous permet de soigner les autres sans désespérer, car le désespoir nous guette sur ce chemin. Quand on voit toutes les souffrances du monde, on se dit qu'on n'y arrivera jamais! Il faut pourtant croire que la santé sera la plus forte, que le bonheur aura le dernier mot ; mais cela suppose une certaine expérience de l'Éveil ou de la libération (soteria) chez celui qui accompagne une personne qui souffre.


Dans la tradition chrétienne, on parle de l'esprit du Christ, de la nature du Christ, de l'être du Christ: «Là où je suis, je veux que vous soyez aussi ... Tout ce que vous faites aux plus petits d'entre les miens, c'est à moi que vous le faites.»

C'est parfaitement clair : quand on fait quelque chose à quelqu'un, on ne le fait pas seulement à ce quelqu'un qui est là, on le fait aussi au Christ qui est en lui, qui est son "Je Suis" essentiel.
Tout être, quel qu'il soit, est porteur de la nature du Christ, de la nature divine. Dans tout être il y a cette Présence de ce qui est libre, de ce qui est sauvé ; on peut alors agir sans être désespéré : quand on fait quelque chose de l'extérieur, cela "coopère" aussi de l'intérieur.

D'où l'importance de la prière dans tous les actes que l'on pose, appeler chez l'autre la Présence, le réveil de son Esprit, parce que c'est de l'intérieur qu'il peut être guéri. Face à certaines maladies mentales difficiles, douloureuses, on sait qu'on ne peut rien de l'extérieur ; tout ce qui est dit ou fait risque au contraire de conforter le délire. Mais on peut appeler à l'intérieur de celui qu'on accompagne, l'Être qui sait le guérir et le sauver : cette forme de prière s’appelle l’intercession.


Jean Yves Leloup - La montagne dans l'océan - Editions Albin Michel



mercredi 8 décembre 2010

Jean Yves Leloup - Pour qui fleurit la rose ?



Méditer comme une montagne ?!


Etre assis comme une montagne, c'est "changer de temps" : la nature vit à un autre rythme. Nous pouvons avoir l'éternité derrière soi, devant soi et si nous nous tenons bien au centre, nous aurons l'éternité en nous mêmes. C'est là que nous pouvons prendre racine.

Méditer comme une montagne change le rythme des pensées et surtout du jugement. Il s'agit d'être ce que l'on est "par tous les temps" et de permettre aux saisons de passer, de nous éroder ou de nous faire fleurir. Voir sans juger, donner le droit d'exister à tout ce qui pousse, roule, rampe et court sur la montagne ; ainsi devient-on inébranlable quel que soient les coups, les railleries ou les extases des passants.

Si la montagne peut donner le sens de l'Eternité, le coquelicot enseigne la fragilité du temps : méditer c'est connaître l'Eternel dans la fugacité de l'instant, c'est fleurir le temps qu'il nous est donné de fleurir, aimer le temps qu'il nous est donné d'aimer, gratuitement, sans pourquoi, car .... pour qui fleurissent les coquelicots ?

La rose fleurit parce qu'elle fleurit, sans pourquoi ..."

Jean Yves Leloup - La montagne dans l'océan - Editions Albin Michel


samedi 27 novembre 2010

André Gorz - Ce lien invisible, cette expérience fondatrice ....

André Gorz (1923-2007) était écrivain, journaliste et philosophe. En 2006, il publie un dernier livre, une lettre d'amour adressée à sa femme Dorine. En novembre 2007, atteinte d'une maladie très grave, Dorine et lui se suicideront dans leur maison.


.... "Tu viens juste d'avoir 82 ans. Tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait 58 ans que nous vivons ensemble et je t'aime plus que jamais. Récemment je suis retombé amoureux de toi une nouvelle fois et je porte de nouveau en moi un vide dévorant que ne me comble que ton corps serré contre le mien.

... Rien ne peut rendre compte du lien invisible par lequel nous nous sommes sentis unis dès le début. Nous avions beau être profondément dissemblables, je n'en sentais pas moins que quelque chose de fondamental nous était commun, une sorte de blessure originaire, une "expérience fondatrice" : l'expérience de l'insécurité.
La nature de celle-ci n'était pas la même chez toi et chez moi. Peu importe : pour toi comme pour moi elle signifiait que nous n'avions pas dans ce monde une place assurée. Nous n'aurons que celle que nous nous ferons. Nous avions à assumer notre autonomie et je découvrirais par la suite que tu y étais mieux préparée que moi."



André Gorz - Lettre à D. Histoire d'un amour - Editions Galilée




jeudi 11 novembre 2010


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Jean-Marc Mantel - Regarder, un art de laisser venir ....


Le regard que nous portons sur notre existence est déterminant quant à notre manière de la vivre.

Nous pouvons voir qu'il est le plus souvent teinté de jugements, d'opinions, qui tendent à nous faire vivre dans la croyance que notre existence n'est pas bien telle qu'elle est, qu'elle devrait être différente, et que si elle était différente, nous serions plus heureux.

Notre notion du bonheur est ainsi dépendante des circonstances de notre existence. Que ces circonstances viennent à changer, et le bonheur nous quitte aussi. Il s'agit là d'une croyance. Il n'est pas nécessaire de considérer cette croyance comme étant la réalité.

Nous parlons de regarder, mais savons-nous seulement regarder ? Savons-nous savourer avec nos sens ce qui est perçu? Savons-nous accueillir ce qui nous entoure sans nous défendre et réagir? Si nous ne le savons pas, c'est que nous ne savons pas ce que signifie regarder.

Le regard lui-même n'est jamais problématique. Il est l'outil de perception, cela qui permet que la perception ait lieu. Sans regard, peut-on percevoir ?

Regarder est tout un art. C'est un art de laisser venir en nous les perceptions, sans s'enfermer dans un jugement ou dans une opinion. Lorsque nous nous enfermons dans de telles réactions, nous ne sommes plus alors dans le regard lui-même, mais absorbé dans les processus mentaux.

Voir cela, c'est déjà s'en extraire. S'en extraire, c'est habiter une qualité de regard affranchie de l'asservissement à la pensée. Un regard affranchi de l'asservissement à la pensée est la racine de la méditation. Il est méditation.


Jean-Marc Mantel - Changer le regard porté sur sa vie - Extrait article paru dans la revue "Recto-Verseau"




samedi 30 octobre 2010

Dominique Baumgartner - L'énergie du désir conscient

Dominique Baumgartner est coach, thérapeute, superviseur et conférencière. Elle dirige et anime un cycle de formation au Coaching thérapeutique. Son livre rassemble l'ensemble de sa pensée à ce sujet.


L'énergie du désir ne s'embarrasse pas de la notion de choix elle lui préfère celle de l'orientation.
.... J'ai pu constater que la question du choix est la manifestation d'un encombrement intellectuel, là où l'énergie du désir est déniée.

Que nous soyons dans l'ignorance ou dans le contrôle de ce désir, le choix demeure une alternative, une dynamique d'opposition « ça ou ça » qui nous fait vivre les affres du renoncement, donc de la perte.

Le propre de l'énergie du désir conscient est de nous rassembler : le corps, le cœur et la tête sont alignés et nous rendent prompts à l'action : notre énergie est orientée.

A l'inverse, quand la tête contrarie le cœur ou le corps, l'énergie réprimée nous incline à la procrastination: «Je ne sais pas quoi faire » ; « Si seulement je connaissais quel est le bon choix » ; « Qu'est-ce que je dois choisir »...


Dominique Baumgartner - Coaching, une psychologie de l'Eveil pour les acteurs en entreprise - Extrait
www. cree-coaching.com




samedi 23 octobre 2010

Christiane Singer - Ce qui est ....



JE n'existe pas. TU n'existes pas. Ce qui existe, et dans quelle lumière! c'est ce qui s'est tressé entre nous, ce qui est filé entre nos deux quenouilles, la relation, l'entre-nous.

Ce qui n'est pas, c'est toi et moi - séparés - ; ce qui est, c'est tout ce qui nous relie, tout le champ fluctuant entre nos consciences, cette intensité, cette immensité que nous partageons, cette immensité tendue comme une vaste voilure entre Dieu, les choses et les êtres.

Ce qui n'est pas, c'est l'océan et la terre - séparés - ; ce qui est, c'est la grève où ils se rencontrent, les tapis de sable qui roulent et déroulent sans se lasser leurs vagues, l'espace de leurs jeux violents et doux.

Ce qui n'est pas, c'est le pêcheur et sa barque - séparés - ; ce qui est, c'est la partance et le désir et le vent qui ensemble les fait voguer.

Les entités, les choses, les êtres n'existent pas ; ce qui existe, c'est le souffle qui les mêle et les soulève.


Christiane Singer



samedi 16 octobre 2010



"Il y a en moi un lieu où je vis seule;
c'est là que se renouvellent
les sources qui ne tarissent jamais."


samedi 9 octobre 2010


Le soleil de minuit est l’ultime passage,
l’ultime purification qui nécessite d’aller en conscience
à la rencontre de notre être de lumière
pour renaître au monde dans l‘Amour.




A toi, Claire ...

La vie est sacré ...
La mort n'est jamais un échec.

Toute personne qui quitte la vie
passe le témoin à d'autres.
Nous ne choisissons pas notre destin,
ni encore moins nos maladies et notre mort.
Nous avons par contre, le choix du niveau auquel nous allons le vivre :
le refuser ou l'épouser.
S'accomplir est de dire, Oui à ce qui est.

"Si j'ai occupé dans la vie de certains une place lumineuse,
le sens de l'aventure est désormais de la remplir vous-mêmes :
soyez ce qu'en moi vous avez aimé.
Gardons vivant ce que nous avons frôlé ensemble de plus haut.

Alors amis, entendez ces mots que je vous dit là
comme un appel à être vivant ;
à être dans la joie et à aimer immodérément.
"

Marie de Hennezel ; Christiane Singer
Extraits



vendredi 1 octobre 2010

Christiane Singer - Et je reste là et je regarde...


... Après avoir traversé une existence très préservée, très occupée à éviter les naufrages, toute cette adresse à passer entre les catastrophes, entre les blessures. Et subitement, après quinze ans de mariage, l’arrivée d’une autre femme, l’arrivée dans une existence préservée d’un autre être, qui du jour au lendemain détruit l’univers que vous vous étiez construit.

Et la traversée, pendant deux ans, trois ans, de la solitude, de l’abandon, dans un pays étranger, dans un village au bout du monde. Et la rencontre du travail de Dürckheim et d’une remarquable femme, son élève, qui travaillait avec la voix.

Alors que j’attendais d’elle qu’elle me donne la force de faire mes bagages, et de partir avec mes fils, elle m’a dit : « Tu restes là, assise au milieu du désastre, là ".

Tout le travail que j’ai fait par la suite avec le corps, avec la présence au monde, aux choses, cette leçon, non seulement d’accepter l’inacceptable, mais d’y entrer, d’y établir ses pénates, entrer dans le désastre, à l’intérieur, et y rester, y rester ! Non pas fuir, mais oser rester, à l’endroit où je suis interpellée, à cet endroit où tombent tous les masques, où tout ce que je n’aurais jamais pu croire s’avère être en moi, tous les démons, toute l’ombre. Les paroles éclatent et tous les démons déferlent dans la vie, la jalousie, l’envie de meurtre, l’autodestruction. Et je reste là et je regarde...

... Nous connaissons dans notre Occident deux voies quand nous sommes dans un état d’étouffement, d’étranglement. L’une c’est le défoulement, c’est crier, c’est exprimer ce qui était jusqu’alors rentré. Il y a de nombreuses formes de thérapies sur ce modèle et c’est probablement, en son lieu et place, quelque chose de très précieux, pour faire déborder le trop plein. Mais au fond, toute l’industrie audiovisuelle, cinématographique, est fondée sur ce défoulement, cette espèce d’éclatement de toute l’horreur, de tout le désespoir rentré, qui en fait le prolonge et le multiplie à l’infini.

L’autre réponse, c’est le refoulement : avaler des couleuvres, et devenir lentement ce nid de serpents sur deux pattes, avec tout ce que ces vipères et couleuvres avalées ont d’effet destructif sur le corps et l’âme.

Et le troisième modèle qui nous vient d’Extrême-Orient et qu’incarnait Dürckheim : s’asseoir au milieu du désastre, et devenir témoin, réveiller en soi cet allié qui n’est autre que le noyau divin en nous.

J’ai rencontré voilà quatre jours, en faisant une conférence à Vienne, une femme. Et c’est une belle histoire qu’elle m’a racontée qui exprime cela à la perfection. Elle me disait à la perte de son unique enfant, avoir été ravagée de larmes et de désespoir, et un jour, elle s’est placée devant un miroir et a regardé ce visage brûlé de larmes, et elle a dit : « Voilà le visage ravagé d’une femme qui a perdu son enfant unique », et à cet instant, dans cette fissure, cette seconde de non identification, où un être sort d’un millimètre de son désastre et le regarde, s’est engouffrée la grâce. Dans un instant, dans une espèce de joie indescriptible, elle a su : « Mais nous ne sommes pas séparés », et avec cette certitude, le déferlement d’une joie indescriptible qu’exprimait encore son visage. C’était une femme rayonnante de cette plénitude et de cette présence qu’engendre la traversée du désastre.

Il existe, paraît-il, dans un maelström, un point où rien ne bouge. Se tenir là ! Ou encore, pour prendre une autre image: dans la roue d’un chariot emballé, il y a un point du moyeu qui ne bouge pas. Ce point, trouver ce point. Et si un seul instant, j’ai trouvé ce point, ma vie bascule, dans la perspective de la grande vie derrière la petite vie, de l’écroulement des paravents, de l’écroulement des représentations. Un instant, voir cette perspective agrandie...


Christiane Singer - Extraits de son livre : Du bon usage des crises - Editions Albin Michel -