lundi 2 novembre 2009

Jean Yves Leloup - Etre proche de notre désir le plus essentiel


La maladie pour les Thérapeutes d’Alexandrie vient de ce que l’homme a perdu l’orientation juste de son désir. Être malade c’est être à côté de son vrai désir, et la santé c’est être proche de son désir le plus intime, le plus essentiel.
Ce n’est pas évident de découvrir notre véritable désir, de le désidentifier du désir de notre environnement, de notre père, de notre mère, de tous ceux qui ont marqué et marquent encore notre existence. Qu’est-ce que je désire vraiment? Qu’est ce que je veux vraiment?
Si l’on peut répondre à cette question l’on ne se porte pas si mal. On va chez les Thérapeutes pour arrêter de désirer du désir des autres, pour sortir des désirs de l’environnement qui nous manipule, des désirs qui dans notre inconscient agissent à notre place, ce qui nous déséquilibre, nous rend plus ou moins schizophrène, c’est-à-dire nous sépare de notre être et de notre désir essentiel. Chez les Thérapeutes il nous est offert un lieu, un espace où on peut se poser la question : « Qu’est-ce que je désire vraiment, quelles sont les valeurs qui orientent ma vie ? »

Donc le Thérapeute prend soin du désir, des valeurs qui orientent le désir, sachant que le malaise, la souffrance viennent de ce qu’on est coupé de son désir, coupé de son être essentiel. Le malheur c’est d’avoir perdu cet espace de silence et de liberté à l’intérieur de soi.

Peut-être vivons-nous dans l’espace-temps pas seulement pour «faire», pour produire, pour agir, mais aussi pour prendre conscience de cet espace intérieur, de cette liberté.

Si savoir ce qu’on désire, retrouver son désir le plus essentiel, le plus intime est important, il y a aussi dans l’homme un désir qu’aucune chose désirable ne peut combler. La guérison sur ce chemin – si on peut parler de guérison – est d’assumer le manque, d’accepter qu’il y ait en nous un désir qui ne sera jamais comblé.
Il y a en nous un désir d’infini qui est fait pour l’infini. Et il faut cesser de demander l’infini aux êtres finis, cesser de demander à cet homme, à cette femme d’être tout, parce qu’ils ne sont pas tout. Être adulte c’est assumer le manque. Non pas chercher à le combler, mais savoir que si on le comble on risque d’être dans une illusion, et plus tard de souffrir d’amertume et de déception lorsqu’on découvrira l’illusion.

Les Thérapeutes veille sur les « pathologies ». Dans la tradition chrétienne, cela donne le mot «passion». On est dans une démarche où il s’agit d’observer les passions, les émotions, les impulsions qui nous habitent. Pas pour les détruire, pas pour les nier, mais d’abord pour les observer et pour s’en désidentifier. Il peut y avoir de la colère en nous, mais nous ne sommes pas cette colère. Il peut y avoir de la jalousie, mais nous ne sommes pas cette jalousie. Il s’agit d’observer les émotions, les pulsions, les passions qui nous animent et qui peuvent provenir d’événements du passé qui se projettent sur le présent, et être libre de ces émotions, de ces pulsions, de ces passions.
Les Thérapeutes appellent cela le «soin éthique». Prendre soin de son éthique, c’est prendre soin de sa liberté, prendre soin de ce qui, en nous, est libre des émotions et des passions – c’est-à-dire prendre soin de son Être. C’est prendre soin de la liberté qui est en nous, liberté à laquelle on ne croit d’ailleurs plus tellement, tellement on est conditionné par notre passé, nos mémoires, notre environnement, la société dans laquelle on est. C’est prendre soin de ce qui en nous est inconditionné. C’est à partir de cette liberté que la guérison va pouvoir opérer.

La thérapie est donc une voie de connaissance. Nous avons perdu la connaissance de la réalité parce que sur cette réalité nous projetons sans cesse notre mémoire, notre passé, et nous ne voyons pas les choses telles qu’elles sont. Le thérapeute a pour fonction d’aider la personne souffrante à retrouver la vision juste des choses, à voir clair. Lorsque nous sommes malades et malheureux nous ne voyons pas le sens de ce qui nous arrive. On peut souffrir, on peut avoir mal, mais si on peut donner du sens à cette souffrance, on souffre moins. A travers les expériences de la maladie, les expériences de la souffrance physique ou psychique, il peut y avoir un travail intérieur qui se fait, et cela doit être écouté et accueilli.

Jean Yves Leloup - Les Thérapeutes d'Alexandrie - Extraits d'un texte publié sur internet