À ce point, tout ce qui est expérimenté dans la vie quotidienne à travers la perception sensorielle est une expérience nue, car elle est directe. Il n’y a pas de voile entre «nous» et «ça». Le Tantra n’apprend pas à réprimer ni à détruire une énergie mais à la transmuter ; en d'autres termes, à s'accorder avec la forme d'énergie ... Quand «nous» allons de pair avec l'énergie, l'expérience devient alors très créative ... Nous réalisons que nous n’avons plus à abandonner quoi que ce soit. Nous commençons à voir les qualités de sagesse, sous-jacentes à la situation de notre vie... Si nous sommes très impliqué dans une émotion comme la colère, alors, en ayant une vision soudaine, momentanée, d'ouverture ... Nous commençons à voir que nous n’avons pas à refouler notre énergie ... mais que nous pouvons transformer notre agressivité en énergie dynamique ... Si nous sentons réellement la qualité vivante, la texture des émotions telles qu'elles sont dans leur nudité, cette expérience contient alors la vérité ultime ... Nous découvrons que l'émotion en fait n’existe pas telle qu'elle apparaît mais qu'elle contient beaucoup de sagesse et d'espace ouvert ... Le processus de ... transmutation des émotions se met ensuite en place automatiquement.
Nous ressentons un bouleversement émotionnel tel qu'il est, mais ... devenons un avec lui... Soyons dans l'émotion, traversons la, abandonnons-nous à elle, faisons-en l'expérience. Nous commençons à aller vers l'émotion, au lieu de simplement ressentir l'émotion venir vers nous ... Les énergies les plus puissantes deviennent alors parfaitement utilisables ... Tout ce qui advient dans l'esprit est considéré comme le chemin ; tout est utilisable. C'est une proclamation intrépide … C’est le rugissement du lion.
Le piège spirituel subtil du travail psychologique est qu'il peut renforcer certaines tendances inhérentes à la personnalité conditionnée : se voir comme un actif, toujours rechercher le sens dans l'expérience ou faire continuellement des efforts pour «quelque chose de mieux». Bien que la réflexion psychologique puisse certainement aider les gens à progresser de manière importante, à un certain stade, même le plus petit désir de changement ou d'amélioration peut interférer avec la détente et le lâcher-prise plus profonds qui sont nécessaires pour passer du domaine de la personnalité à celui de l'être, que l'on ne peut découvrir que dans et à travers l'instantanéité présente - dans les moments où cessent toute conceptualisation et tout effort.
Quand nous laissons l'expérience être telle qu'elle est, au lieu de chercher à l'altérer d'une façon quelconque, le centre d'intérêt du travail intérieur se déplace de manière importante et forte. Notre expérience n'est plus quelque chose de séparé de nous, que nous avons besoin de transformer ou de résoudre ; au lieu de cela, le centre d'intérêt s'élargit au champ plus vaste : notre-manière-d'être-avec-notre-expérience. Et quand nous nous relions de façon plus spacieuse et ouverte à notre expérience, celle-ci devient moins problématique car nous ne vivons plus dans une tension je/elle, sujet/objet, vis-à-vis de cette expérience.
Bien que le but principal de la psychothérapie soit de réduire la détresse psychologique et d'accroître la compréhension de soi plutôt que de dépasser la conscience divisée, nous pouvons ressentir malgré tout un besoin de pratiquer une thérapie plus en accord avec la qualité de non-agir de la présence méditative. En étant inspiré en ce sens par des moments au cours desquels nous nous ouvrons à notre expérience simplement telle qu'elle est, nous amène à un sens de présence plus complet - une forme «d'être sans programme» conduisant à un puissant sentiment de calme, d'acceptation et de vie. De tels moments offrent un aperçu de ce qui demeure de l'autre côté de la conscience divisée : être un avec soi-même d'une façon nouvelle, plus profonde.
Il y a, bien sûr, un temps pour essayer activement de pénétrer les voiles de l'expérience, tout comme il y a un temps pour permettre à l'expérience d'être telle qu'elle est. Si nous sommes incapables ou peu enclins à nous occuper activement des problèmes de notre vie personnelle, laisser être peut alors devenir une attitude de dérobade et une impasse. Toutefois, si nous sommes incapables de laisser notre expérience être, ou de nous y ouvrir simplement telle qu'elle est, notre travail psychologique risque alors de renforcer la tendance habituelle de la personnalité conditionnée consistant à nous détourner de l'instant présent.
John Welwood - Psychologie de l'Eveil - Editions La Table Ronde