mercredi 31 mars 2010



L'instant présent et l'observateur ne font pas deux.
Je ne suis pas dans l'instant.
Je suis ce par quoi l'instant est.
Le présent n'est présent que par la Présence.
L'instant présent ne trouve son unique fondement qu'en Soi.
L'investigation "Qui suis-je ?" ne dévoile rien de plus
que le cœur vivant d'un éternel présent.
En somme, il ne s'agit pas tant de vivre l'instant présent que de lui rendre Vie.


Texte publié sur Internet


dimanche 28 mars 2010

seeing the future (in a glazen ball) par Flexart


John Welwood - Les émotions : le sang versé par l'ego



L’ego étant la tendance à nous cramponner à nous-mêmes et à contrôler notre expérience, sentir nos émotions directement et laisser couler librement leur énergie est donc une menace pour toute sa structure de contrôle. Quand nous nous ouvrons à la texture et à la qualité réelles d'un ressenti, au lieu d’essayer de le contrôler ou de le juger, «Je» (l'activité qui tente de maintenir notre cohésion) commence à se dissoudre dans « cela» (la vitalité plus vaste, présente dans le ressenti).

Si je m’ouvre totalement à mon chagrin, il est possible qu'il s’intensifie pendant quelque temps et je risque d'en ressentir toute la peine. Pourtant, le fait de m'ouvrir sans histoire à cette douleur me donne également le sentiment d'être plus vivant.
A mesure que je me tourne vers mes démons, ils se révèlent être la véritable énergie de vie qui est la mienne.

Les émotions sont, pour ainsi dire, le sang versé par l'ego ; elles commencent à couler à chaque fois que nous sommes touchés, à chaque fois que la carapace de défense autour du cœur est percée. Essayer de les contrôler est une tentative pour empêcher cette carapace de se briser. D'un autre côté, laisser saigner l'ego ouvre le cœur.
Nous nous redécouvrons alors comme des êtres vivants exposés au monde, interconnectés avec tous les autres êtres. Abandonner les jugements et les scénarios et sentir cette qualité nue d'être en vie nous éveille et nourrit notre compassion vis-à-vis de nous-mêmes et des autres.

Faire face au tumulte des émotions revient à pénétrer l'œil d'un cyclone. Les vents environnants peuvent être turbulents mais, à terme, nous parvenons à une ouverture dégagée au milieu de la tempête.
Tarthang Toulkou en rend compte ainsi :
"Quand vous êtes contrarié émotionnellement, restez à l'intérieur de l'émotion ... sans la saisir ni vous y cramponner ... De la même manière, quand l'anxiété ou tout autre sentiment perturbateur apparaît, concentrez-vous sur le sentiment, non sur les pensées à son sujet. Concentrez-vous sur le centre du sentiment ; pénétrez cet espace ... Si nous allons directement au centre de l'émotion, il n'y a rien!... Dans ce centre, il y a une densité d'énergie qui est claire et distincte. Cette énergie a un grand pouvoir et elle peut transmettre une grande clarté ... Nous pouvons transmuter cet esprit samsarique parce que l'esprit lui-même est vacuité - ouverture totale, honnêteté totale vis-à-vis de toutes les situations ... vision directe, totalement libre de tout obscurcissement, réceptivité complète".

Pénétrer les émotions de cette manière peut être une manœuvre délicate au début. Il est possible que nous ayons un bref aperçu de l'espace qui est en elles mais que nous retombions ensuite rapidement dans des scénarios épouvantables. La pratique de la méditation aide à développer l'attention soutenue ici requise pour apprendre à ne plus être «l'otage» de nos pensées. Quand nous pénétrons une émotion ainsi, de façon dépouillée, elle ne peut persister longtemps parce qu'elle n'a en réalité aucune existence indépendante ni solide, en dehors de nos concepts et de nos réactions.

John Welwood - Pour une Psychologie de l'Eveil - Editions La Table Ronde




lundi 22 mars 2010

Denis Marquet - Besoin d’amour ?


Nous manquons d’amour. Quand nous explorons notre histoire, nous pouvons découvrir les causes de ce manque dans l’insuffisance à aimer des êtres qui se sont occupés de nous enfant.

Nous n’avons pas assez reçu, pas assez de soins, de toucher juste, de parole aimante, d’accueil et d’attention... Mais le point de vue psy (psychanalyse, psychothérapie, psychologie) ne va pas au fond du problème. Car si l’on y regarde de plus près, qui ne manque pas d’amour ? Même ayant eu les parents les plus attentifs, même avec les meilleurs amis du monde et le conjoint le plus amoureux, notre besoin d’amour peut-il être comblé ? On peut se le faire croire : il suffit de déplacer le manque sur autre chose (je n’ai pas assez d’argent, de considération, de pouvoir...) ou de s’anesthésier suffisamment pour ne plus éprouver la morsure de l’insatisfaction (par le travail, le divertissement, la rêverie, la consommation, etc.).

On peut aussi le faire croire aux autres en jouant la comédie valorisante de l’autosuffisance. Mais en toute honnêteté, qui peut se dire étranger à la carence affective ? L’être humain est l’animal qui manque d’amour.

Quelle peut être la raison de cet étrange phénomène ? Risquons une hypothèse : c’est que notre besoin d’amour est infini. Ce qui signifie que seul peut nous combler un amour infini. Voilà pourquoi nous sommes perpétuellement insatisfaits : car personne au monde ne peut nous gratifier d’un tel amour. Nous le mendions autour de nous, projetant sur autrui notre impossible aspiration et lui en voulant de ne pas nous apporter la plénitude. Mais soyons réaliste : ni père ni mère, ni amant ni amante, ni enfant ni ami ne combleront jamais notre aspiration à être aimé.

Faut-il pour autant désespérer ? Non ! Car si nous sommes travaillé par la nostalgie d’un amour infini, c’est que nous le portons en nous. Au plus intime de nous-même réside cet amour sans limite. Si nous cessons de le chercher où il n’est pas, dans ce monde extérieur où nous ne savons que projeter nos manques, alors nous le découvrirons. Non pas en espérant le recevoir de nous-même comme auparavant nous l’attendions des autres, mais en le prodiguant. Car l’amour est don. On ne l’éprouve donc qu’en le donnant.

La méthode en est simple : offrir ce que je souhaite recevoir. Je désire un geste de tendresse ? Je donne un geste de tendresse. Je veux que l’on m’écoute ? Je donne de l’écoute. J’ai besoin d’amour ? Je donne de l’amour. Alors, l’amour me traverse et je suis comblé. Car, au plus intime de moi, j’en ai découvert la source infinie. Mère Térésa, qui donnait sans cesse, ne manquait pas d’amour.

Car manquer d’amour, c’est manquer d’aimer. Comme le dit encore Tariq Demens : « On ne manque jamais que de ne pas donner ce dont on croit manquer».


Denis Marquet- Ecrivain et Philosophe- Chronique du magazine Nouvelles Clefs





samedi 13 mars 2010

Elie Humbert - « Etre quelqu'un » ?


Cette façon d'exister aux yeux des autres, d'être quelqu'un, c'est là où ça nous travaille, d'être nous-même… Et vous voyez que d'être nous-même, c'est-à-dire de satisfaire à ces demandes tout à fait profondes en nous, ça nous trahit complètement parce que ça va nous situer en fonction des valeurs ambiantes, en fonction du désir des autres, en fonction du regard des autres.

Pour pouvoir répondre à cette demande tout à fait originaire que j'ai d'avoir ma petite existence, pour répondre à cet appel qui est fondamental, qui est une tâche biologique, je vais me vendre à n'importe quel prix, à n'importe qui, n'importe comment, en fonction de l'intérêt qu'il va y avoir pour moi.

Dans l'espèce de cocon que l'on forme avec soi-même, on retrouve les deux développements de l'imaginaire. D'une part on y retrouve cet « être quelqu'un » (en terme analytique jungien, « persona »), c'est-à-dire finalement « être un masque», qui permet de communiquer, mais dont on ne sait pas trop ce qu'il y a derrière ; qui trompe en même temps et qui nous met dans la dépendance de qui veut bien le reconnaître, l'apprécier, l'estimer, l'évaluer, y réagir.

D'autre part, derrière ça, en dessous et non plus en fonction de l'entourage, mais plus profondément en nous, on trouve ce goût que nous donnent les représentations, que nous donnent les images, c'est-à-dire le goût que nous trouvons à l'image de nous-même et aussi à ce que peuvent être nos conceptions, nos idées, notre attitude devant la vie ...

C'est cela qui va se développer beaucoup plus fort jusqu'à ce qu'on s'aperçoive qu'effectivement nous utilisons nos conceptions de la vie comme des mères de remplacement. Nos conceptions de la vie vont servir à nous porter et c'est pourquoi ça devient quelquefois si rigide, parce qu'on en a absolument besoin. Qu'est-ce que je serais si je ne savais rien? Je serais vraiment dans un grand noir. Alors, il y a tout un système de valeurs, tout un système de représentations qui se construit en fonction du plaisir que ça me donne.

Peut-être pas seulement, mais ça se raccorde à moi et mes choix se raccordent à moi en fonction de ça. Il ne faut pas oublier - c'est une des grandes découvertes de la psychanalyse et du développement de la connaissance de l'être humain aujourd'hui - qu'une idée est avant tout un plaisir.
Une idée, nous l'acceptons ou nous la refusons en fonction de la satisfaction qu'elle
nous donne et, quand je dis satisfaction, ça peut être une satisfaction pénible, il y a toute la gamme. Ce qui ne veut pas dire que les idées soient nécessairement fausses ou qu'elles soient nécessairement illusoires, mais nous sommes avec elles en fonction de la satisfaction.


Elie Humbert - La dimension d'aimer - Editions cahiers Jungiens de la Psychanalyse



lundi 8 mars 2010

Valérie Rouzeau - Si J'avais les jours à compter...



Si J'avais les jours à compter je marquerais soir après
soir mes petites croix de récompense
Je tiendrais des mois des saisons mon calendrier de
forçat mon agenda de pénélope
Ca me ferait ni chaud ni froid juillet janvier en
solitaire je traverserais les années
Si grand d'amour était en vue ou à revenir quel beau jour
je l'appellerais mon cher Ulysse et puis je choisirais
la danse plutôt que la tapisserie
Je bouserais les mauvais génies en faisant
jazzer mon
seul cœur
Je mettrais le chagrin en boîte avec un jeu de mots facile
Je trangerais l'éternité pour en découdre avec les nuits
tchatchatchatcherais jusqu'au matin dans une autre
histoire aussi vrai si j'avais de quoi de l'espoir

Valérie Rouzeau - Poétesse contemporaine

Extrait de : "Va où" - Editions Le Temps qu’il fait



jeudi 4 mars 2010


courting par andrew sea james



Elie Humbert - La perception de la singularité de la rencontre



.... Je vous disais tout à l'heure cette sorte de déception qui se produit quand on constate que l'autre n'est pas l'être extraordinaire qu'on avait supposé, dont on avait besoin. Mais, à ce moment-là, qu'est-ce qui commence à apparaître? L'autre commence à apparaître dans sa singularité, dans ses limites.

Si je peux accepter ma déception et si je peux vivre en rapport avec l'autre tel qu'il est dans ses limites, ce sont mes propres limites à moi qui vont venir, c'est ma propre singularité qui va venir, c'est la perception de la singularité de la rencontre.

Pourquoi ai-je eu tel partenaire? Pourquoi ai-je eu tel maître? Pourquoi ai-je cheminé avec tel analyste? C'est injustifiable, mais ça est.
Et l'on observe que c'est dans ces limites, dans la singularité de chacun et dans la perception de la singularité de l'autre, qu'en quelque sorte viennent, se tiennent et se vivent les ouvertures, les disponibilités aux énergies cosmiques, au savoir cosmique. Ça passe dans la relation et dans la relation interhumaine et ça passe dans la singularité de soi-même et la singularité de l'autre. Ceci me paraît être ce que l'être humain est en train de tenter à l'intérieur de la démarche analytique...

Elie Humbert - La dimension d'aimer - Editions Les cahiers jungiens de psychanalyse




mercredi 3 mars 2010

Au-delà de la singularité, l'universel...



L’amour est cette étonnante lentille qui relie entre eux les mondes singulier et universel. Il est nécessaire que la personne qu’on aime ait des caractéristiques individuelles particulières, et non pas générales, et c'est alors qu’elle éveillera en nous cette flamme qui nous transportera au-delà de la singularité, dans l'universel.

Vouloir gommer les différences individuelles pour englober tout le monde dans un amour neutre ne conduit pas à l’universalité, mais à une fade généralisation. L’universel n’est pas le dénominateur commun des êtres, mais cette part d’éternité qui gît en chaque être singulier, et qu’on ne découvre que si on l’accepte dans ce qu’il a de plus singulier.
Accepter ce qui est là, dans une présence inconditionnelle à l’instant, accepter chaque être et chaque chose, dans sa totale singularité, est le seul chemin qui nous permette de transcender notre propre singularité pour y découvrir notre universalité.

Soi et l’autre ne sont pas des objets parmi d'autres dans la création: ils sont chacun des puits insondables, et tant qu’il ne font que se toucher, chacun restant dans son propre quant-à-soi, ils ne sont que des surfaces, ignorant totalement leur propre profondeur.
Seul l’amour les révèle à eux-mêmes en leur dévoilant l’intimité qu’ils partagent avec l’autre au plus profond d’eux-mêmes. Ils ne touchent chacun leur propre fond, qui s’avère être en fait le fond commun à tous, qu’en y plongeant sans réserve grâce à la confiance totale et à l'abandon de soi que permet l’amour.
Accueillir l’autre, c’est se décoller d’un soi préfabriqué qui nous bouche l’horizon de notre propre être, et c’est donc aussi bien découvrir l'autre que sa vraie nature.

L'amour, c'est l' ouverture à l'autre. Appliqué à soi-même, il ne pourrait s'agir que d'essayer d'aimer quelque chose en soi qu'on ressent comme “autre”, quelque chose donc qu'on n'accepte pas, autrement dit les parties “mal-aimées”. Cela, il faut le faire absolument, sans quoi on butera toujours sur ces poches d'attachement à soi non dissoutes. Tant qu'on ne les accepte pas, on y reste accroché, car le désir qu'on a d'être autre est paradoxalement attachement à soi: on s'attache à une image idéalisée de soi, et cela, c'est du narcissisme.

Il est nécessaire de s'accepter pour pouvoir aimer. Tant qu'on ne s'accepte pas, on reste attaché à une image de soi à laquelle on tient, une image autre que ce qui est — autrement dit l'ego. Dès lors par contre qu'on s'accepte, qu'on accepte ce qui est, on peut se donner dans l’amour, et ce qu'on donne alors, c'est du vrai.
L’amour est don de soi, il est désappropriation, ce qui ne veut pas dire pour pourtant perte, car ce n’est au contraire qu’en se donnant qu’on se débarrasse de ce qui nous retient en nous-mêmes, et qu’on débouche sur notre nature éternelle.


Extrait d'un texte trouvé sur Internet