mercredi 30 janvier 2008


Rumi "L’homme de cœur a tout accepté..."

Le livre dont est extrait ce passage évoque la rencontre de deux maitres soufi, Djalal al-Din Rumi et Shams de Tabriz : pendant de nombreux jours ils s'enferment tous les deux pour pratiquer une méthode contemplative méditative où les deux personnes restent assises face à face en se regardant dans les yeux ; le jugement s'estompant, la dualité disparaissant, le coeur rayonne en totalité. Plongé dans le regard de l'autre, le reflet de l'image cède la place à l'essence spirituelle.
Cet extrait développe l'importance d'accepter toutes les expressions et aspects de nous mêmes.


http://www.rumi.org.uk/français


Rumi nous encourage à accepter de la même manière tout ce qui survient dans notre parcours, les joies comme les chagrins, le paradis comme l’enfer. Il nous recommande de nous voir comme un ensemble d’énergies dont certaines sont lumineuses et d’autres obscures, mais dont toutes font partie intégrante de l’évolution du voyage.

« L’homme de cœur a tout accepté,
Tout ce qui est bon et mauvais fait partie du derviche. »

Djalal al-Din sait que nous ne pouvons progresser sur la voie que si nous acceptons chaque sensation et chaque sentiment qui se manifeste l’un après l’autre. Il sait également que les sensations et les sentiments que nous craignons le plus, ou dont nous avons le plus honte, sont là pour purifier nos esprits et nos corps et nous transformer en canaux encore plus adaptés à la libre circulation des eaux de l’union. Il ne cesse de nous dire : acceptez-vous vous-même. Acceptez tout ce que vous êtes. Soyez d’une honnêteté irréprochable vis-à-vis de votre détente, de votre acceptation et de votre abandon. Ne sélectionnez pas vos expériences, tel un portier à l’entrée d’un club huppé qui examine attentivement les gens alignés dehors et ne laisse entrer que ceux ayant une mine convenable. Les aspects de vous-même que vous voulez le moins ressentir recèlent de puissantes énergies. En les expérimentant exactement tels qu’ils sont, vous libérez ces énergies et enrichissez ainsi le contenu de votre cœur. Toutes ces énergies, même celles qui sont brutes et effrayantes, représentent les multiples visages de Dieu essayant de venir au monde à travers vous.

« L’être humain est une auberge
Chaque matin un nouvel arrivant
Une joie, une déprime, une bassesse
Une prise de conscience momentanée arrive
Tel un visiteur inattendu.

Accueille les et reçois les tous
Même s’il s’agit d’une foule de regrets
Qui d’un seul coup balaye ta maison
Et la vide de ses biens.

Chaque hôte, traite le avec respect
Peut-être te prépare t’il
A quelque nouveau ravissement.

Les sombres pensées, la honte, la malveillance
Ouvre leur la porte en riant
Et invite les à entrer
Aie de la gratitude
Pour tous ceux qui arrivent
Car chacun a été envoyé
D’en haut comme guide. »

Will Johson « Rumi, union des regards, fusion des âmes » Gange Editions
p 150-151



mardi 29 janvier 2008

Eckhart Tolle "L'éveil de la conscience"

Oui oui oui ... à la présence .... en toute simplicité, en toute subtilité.

Extrait du livre Nouvelle Terre, p. 220 Ariane Éditions
www.eckharttolle.com


L’éveil est un basculement de la conscience, au cours duquel la pensée et la conscience se dissocient. Chez la plupart des gens, ce basculement ne se manifeste pas sous la forme d'un événement mais d'un processus. Même les rares êtres qui connaissent un éveil soudain et puissant, apparemment irréversible, passent eux aussi par un processus au cours duquel le nouvel état de conscience se met en place graduellement et transforme tout ce qu'ils font, pour ainsi finir par faire intégralement partie de leur vie.

Dans cet état, au lieu d'être perdu dans vos pensées, vous vous reconnaissez comme étant la présence qui se trouve justement derrière les pensées. Ces dernières cessent d'être une activité autonome prenant possession de vous et régentant votre vie. Dans cet état, c'est au contraire la présence qui prend possession de la pensée. Alors, au lieu de contrôler votre vie, la pensée devient la servante de la présence. Cette présence est en fait le lien conscient que vous entretenez avec l'intelligence universelle. Cette Présence est conscience sans pensée.

Le déclenchement du processus d'éveil est un état de grâce que l'on ne peut provoquer ni mériter, et auquel on ne peut se préparer. Aucune démarche logique n'y mène, même si le mental aimerait bien qu'il en soit ainsi. Point besoin d'en devenir digne auparavant, car il se peut que cet état arrive au pécheur avant d'arriver au saint, mais pas nécessairement… Il n'y a rien que vous puissiez faire pour provoquer l'éveil. En fait, tout ce que vous ferez émanera de l'ego qui veut rajouter l'éveil à sa panoplie et en faire sa possession la plus prisée. De ce fait, il se gonflera encore plus et se donnera davantage d'importance. Au lieu de vous éveiller, vous ne faites qu'ajouter le concept d'éveil au mental ou à l'image mentale que vous avez d'une personne éveillée ou illuminée. Vivre ainsi en fonction de l'image que vous avez de vous ou que les autres ont de vous, c'est vivre faussement. C'est un autre rôle que l'ego adopte.

Alors, s'il n'y a rien que vous puissiez faire pour l'illumination, que cela ce soit déjà produit ou bien pas encore, comment peut-elle être votre raison d'être première dans la vie ? Le terme raison d’être ne sous-entend-il pas que vous avez droit au chapitre ?

Le premier moment d'illumination, le premier aperçu de conscience sans pensée se produit par la grâce, sans que vous fassiez quoi que ce soit… Pour certaines personnes, c'est la lecture de ce livre qui déclenchera le processus d'éveil. Pour d'autres, la lecture de ce livre viendra révéler que ce processus a déjà commencé en eux et l'accélérera. Une autre fonction de ce livre est d'aider les gens à reconnaître l'ego en eux chaque fois qu'ils essaient de reprendre le contrôle et de repousser la conscience. Chez certaines autres personnes, l'éveil se produit quand elles prennent soudainement conscience du genre de pensées qui leur viennent habituellement, en particulier des pensées négatives récurrentes auxquelles elles se sont identifiées toute leur vie. Soudain, une présence est consciente de la pensée, mais n'en fait plus partie.

Quel est le lien entre présence et pensée? La présence est l'espace dans lequel les pensées existent lorsque l'espace est devenu conscient de lui-même.

Lorsque vous avez votre premier aperçu de conscience ou de Présence, vous le savez immédiatement. Ce n'est plus un concept mental. Vous pouvez alors faire le choix conscient d'être présent plutôt que de donner libre cours à des pensées inutiles. Vous pouvez inviter la Présence dans votre vie, lui faire de la place, car la grâce de l'éveil fait appel à la prise de responsabilité. Certes, vous pouvez faire comme si rien ne s'était passé. Ou bien, vous pouvez en réaliser la signification et la considérer comme la chose la plus importante pouvant vous arriver. Alors, accueillir cette conscience émergente et la faire briller en ce monde devient la raison d'être principale de votre vie. (...)

dimanche 27 janvier 2008

Mystère et Couleurs d'éclat

Daniel Odier "Soyons comme une vague..."

Daniel Odier réunit dans son enseignement les deux voies qui le touchent le plus profondément, un bouddhisme laïc en prise directe avec la réalité quotidienne touchant l'essence du Chan et la transmission du tantrisme shivaïte. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages.
Dans le livre d'où est extrait ce texte, il expose une philosophie et une pratique de méditation essentielle, le Mahâmudra. Ce passage nous donne à percevoir la non saisie de tout moment de vie.


Nous faisons trop d’efforts, nous voulons trop un état à propos duquel nous développons toute une fantasmatique. Nous avons peur de perdre un état avant même de l’avoir touché et, dès que nous le touchons, nous le perdons effectivement. Ce n’est pas nous qui touchons l’état, c’est l’état qui nous touche. Ce n’est pas nous qui créons le silence, c’est le silence qui nous envahit. Laissons-lui la liberté de nous effleurer, de nous pénétrer, de s’installer quelques minutes en nous, de nous quitter, de revenir. Si lorsque le silence nous quitte nous avons l’impression d’un échec, la tension que la culpabilité produit prévient tout retour de l’état d’unité. C’est la chose la plus difficile à toucher : accepter le liberté du mouvement, la créativité de la vie, comprendre qu’un état fixe, aussi merveilleux soit-il, n’est pas compatible avec la vie. (…)
Entrons dans le grand mouvement sphérique, oublions la trajectoire rectiligne qui suppose une progression et l’atteinte d’un but. Soyons comme une vague qui accepte sa trajectoire, sa force, sa faiblesse, sa liberté, l’absence de choix.

Daniel Odier "L’incendie du cœur"- Edition Le Relié Poche, p 40
http://danielodier.com

Thierry Vissac "Être avec ce qui est"

J'ai trouvé ce texte sur le site de Thierry Vissac, que je ne connais pas. Il pose la remarque d'une des dérive du cheminement spirituel, quand il devient "fuite de soi même" et évitement de la réalité.

Extrait. La totalité est sur le site : http://www.istenqs.org

Je vous propose ce soir un regard particulier sur la quête spirituelle.
Je veux parler de la quête spirituelle en tant qu’une possible fuite de soi.
A l’origine de la quête, on trouve un besoin de s’améliorer, peut-être même de devenir quelqu’un d’autre, d’accéder à une grâce ou un état particulier. Pour réaliser ces objectifs, le chercheur spirituel – celui que nous allons appeler ce soir le chercheur spirituel – utilise des outils.
Les outils de la quête, nous les connaissons : ce sont les méditations, les rituels ainsi que nos croyances, nos certitudes, et les pratiques en tous genres.
Il se trouve que toutes ces choses constituent facilement des paravents devant la réalité que le chercheur spirituel dit rechercher. Et cela parce que cette réalité se trouve en fait ici et tout de suite. Les démarches spirituelles créent une distance avec cette réalité immédiate.
On peut dire que les pratiques et les méthodes mettent le chercheur hors de lui.
C’est en fait moins les méthodes elles-mêmes que je dénonce que ce que le chercheur spirituel en a fait. Cette quête excentrique – qui éloigne du centre – a fini par étouffer la possibilité d’une véritable rencontre avec soi. L’ambition spirituelle du chercheur a étouffé la simplicité d’être, l’espérance véritable à l’origine de toutes ces quêtes.
Ce que nous allons voir, c’est qu’à l’origine de cette fuite de soi on trouve une peur, une terreur fondamentale, avec laquelle il est impossible de négocier.
Les mots que je vais prononcer ce soir pour désigner cette peur à l’origine de la fuite, s’ils sont reçus par le mental, n’auront aucun pouvoir. Mais il est possible de porter un regard sur cette origine de nos quêtes, comme je vous invite à le faire dès maintenant, si vous envisagez que ce regard amène également une rencontre, fruit véritable de nos recherches et nos démarches dispersées.
Je suis conscient du fait que ce regard peut apparaître un peu "destructeur", au départ, mais je vous invite à l’accueillir parce que je le crois salutaire malgré les nombreux échafaudages qu’il va effondrer.

La peur est donc au départ de la quête spirituelle.
Il est maintenant intéressant de voir comment tous les artifices créés sur cette base, et que nous remettons rarement en question, se sont solidifiés au point que la rencontre éventuelle avec ce qui est, ici, tout de suite, ce qui s’anime en soi, à cet instant, a pu devenir inacceptable ; comment les artifices de la quête spirituelle ont pu conduire le chercheur à déterminer que certaines des choses qui s’animent en lui ne sont "raisonnablement pas spirituelles" et comment, en conséquence, l’objet de la quête spirituelle s’est éloigné de ce centre vivant que nous sommes, pour être transposé vers une destination mythique.
A partir du moment où un objectif est créé, qu’il s’agisse d’obtenir du pouvoir, du sexe, de l’argent ou l’éveil spirituel, nous sommes dans une démarche qui risque de nous éloigner de notre condition naturelle, de la simplicité d’être qui est le véritable fruit et la véritable aspiration de notre quête spirituelle. C’est pourquoi on peut constater aujourd’hui que de nombreux chercheurs spirituels ont le sentiment de tourner en rond. Ce autour de quoi les chercheurs tournent, c’est eux-mêmes.
La rencontre avec soi se fait en dehors de toute tentative de contrôle ou de maîtrise. Mais le chercheur spirituel aime les chemins balisés, il aime avoir une idée de sa destination. L’idée d’une rencontre avec soi, d’un accomplissement spirituel qui produirait la joie, le bonheur, le bien-être, et dont les étapes seraient clairement balisées… cette idée vient du chercheur, c’est une construction du chercheur. Et c'est la peur qui produit le désir de maîtriser la situation. On parle d’ailleurs beaucoup en terme de maîtrise dans les cercles spirituels. Au lieu de s’engager véritablement à une rencontre, on crée une nouvelle destination, plus loin, qui n’est que la continuité de la fuite. Et le chercheur agit ainsi parce qu’il souhaite matérialiser ses fantasmes et préserver ses objectifs erronés.
Je crois que cette rencontre, ce soir, nous offre une possibilité de faire l’expérience directe de cette fuite en même temps que la possibilité d'un retour à soi. Nous allons le faire d’une manière vivante parce que, bien que tout cela soit intellectuellement compréhensible et peut-être acceptable pour beaucoup d’entre vous, la fuite reste malgré tout une activité naturelle du chercheur jusque dans des automatismes invisibles, même pour des personnes attentives. Si nous portons l’attention sur les automatismes et les protections du chercheur spirituel - c'est-à-dire tous les paravents qui empêchent la rencontre avec soi -, vous allez nécessairement vous sentir un peu bousculés. Vous devez donc vous préparer à des crispations et des irritations. Maintenant, dans l’instant de l'émergence d’une crispation, vous êtes devant une nouvelle possibilité. Vous pouvez "être avec" cette crispation, en vous-même, plutôt que de chercher à la résoudre en désignant un coupable ou en cherchant un soulagement partout ailleurs.
Le chercheur évite toujours quelque chose, et ce quelque chose, c’est lui-même. Ce lui-même est souvent inacceptable. C’est cet inacceptable qui est l’objet de notre regard ce soir. Quand je parle de soi, ici, notez que je ne mets pas de "S" majuscule ou minuscule à ce terme, parce que ces orthographes sont des images préfabriquées de la réalité soi.
La seule réalité que l'on puisse désigner à un instant donné, c’est ce qui s’anime, ici et tout de suite. La complication spirituelle fondamentale se trouve dans le fait de placer des paravents et des protections devant cette réalité immédiate. Nous allons donc veiller à éviter l’utilisation des lieux communs spirituels et de toutes les formules que nous connaissons par cœur et que nous avons adoptés au point de les prendre pour des accomplissements spirituels. Les mots, bien sûr, ne sont que des mots qui peuvent pointer dans une certaine direction mais ils ne sont pas la direction qu’ils montrent. Certaines écoles spirituelles sont championnes de l’adhésion intellectuelle présentée comme un accomplissement spirituel. L’objectif véritable de la quête spirituelle se perd en fait dans les mots.

Une question simple va nous permettre d’observer à quelle distance nous nous tenons de "ce qui est". L’espace qui va se déployer entre le moment de la question et le moment de la réponse représente à peu près l'espace de la fuite.
Il s’agit d’une question que je vais poser à l’un d’entre vous afin de déterminer notre capacité à être en relation directe avec ce qui est, ici, tout de suite. La question est : "Pouvez-vous me dire ce que vous ressentez en cet instant ?"
Une réponse : « Je ressens la vie. »
Tout à l’heure (partie de l'échange supprimée dans ce texte), vous avez exprimé une frustration : Je suis souvent emporté. Je suis dans une course, et je voudrais que ça s’arrête. C’était il y a quelques minutes, c’était vivant, bien qu’un peu désagréable pour vous. Et voilà qu’avec ma question, tout semble avoir disparu. Je ne dis pas que la vie dont vous parlez n’existe pas mais que cette chose plus agréable que vous mettez en avant pourrait bien servir à éviter la seule réalité, ce qui est, et que vous jugez désagréable. Cette image de la vie en vous serait alors un paravent. Cet exemple peut illustrer un mouvement de fuite qui mérite notre attention.
Le chercheur vise à contourner ce qui s’anime ici, tout de suite, parce qu'il le refuse, au nom de la spiritualité ou d'une image de lui-même qu'il souhaiterait accomplir. Vous aviez compris intellectuellement tout à l’heure le concept de la fuite dont je parlais. Vous venez de le voir en direct. Ma proposition : ne contournez plus et essayez d’être avec ce que vous contournez habituellement, au moins dans l’instant de cette rencontre plutôt que de tenter de favoriser des états imaginaires.
Être avec plutôt que faire avec ou éviter. Être avec.
En parlant de la vie, vous parlez de quelque chose qui existe en vous, mais qui pourrait ne pas être une réalité vivante, en particulier si vous niez quelque chose d’autre. La vie ne fait pas de tri. C’est le chercheur spirituel qui fait un tri. Il fait son tri du bon et du mauvais à partir de ses vues spirituelles, de ses constructions.

Thierry Vissac

samedi 26 janvier 2008

Richard Moss "L’amour inconditionnel vous aime..."


L’amour inconditionnel vous regarde

et regarde les murs, le ciel, les arbres
et tout le reste de la même façon.

L’amour inconditionnel vous aime,

mais il aime tout le monde de la même façon.
Ce n’est pas quelque chose que nous faisons.
C’est ce qui est déjà.
Et nous ne pouvons pas le vivre.
Il vit au travers de nous.

Richard Moss "Paroles des deux mondes" Editions du Rélié
http://www.richardmosseurope.com


http://www.casimages.com/img/jpg/070411120905468020.jpg



OM C. Parkin "La difficulté de la simplicité"

OM C. Parkin est enseignant de l’Advaita en Allemagne. Il est aussi l’auteur de livres et articles. Certains sont en français sur son site. Le texte suivant s'articule autour d'un entretien sur la question de l'effort et de son paradoxe, le non-effort.

http://www.om-c-parkin.de


Joachim-Ernst Berendt: OM, je t'entends souvent parler du non-effort. Tu dis "Ça arrive" et "Il n'y a rien à faire" . Cependant, tu proposes une formation pluriannuelle. Pourquoi travailles-tu avec des gens s'il n'y a rien à faire?


OM: Le paradoxe du chemin spirituel semble être qu'il faille un effort total pour réaliser le non-effort. Je pourrais assimiler l'effort total d'une part à une volonté complète et d'autre part à une complète disponibilité à laisser tout le travail intérieur requis se faire. Je travaille avec des gens pour leur permettre de reconnaître qu'aucun travail intérieur n'est nécessaire . Comment résoudre cette contradiction ? Et bien, lorsque je travaille avec des gens , je leur transmets que ce ne sont pas eux qui ont à faire un travail intérieur mais qu'ils ont uniquement à lui permettre de se faire. Cela signifie que ce qui s'est embrouillé va se déployer, se révéler spontanément lorsque le Moi abandonne la tension qu'il entretient artificiellement. Si nous nous imaginons un ressort en tension, celui-ci se détend tout naturellement au moment où la tension sera relâchée. Le mental pensant, le faux Moi, est une tension maintenue artificiellement qui empêche ou ne permet pas un déroulement naturel.

JEB: Oui, le mental retient tout. C'est sa tendance: maintenir, garder, retenir, adhérer, ne pas permettre de libre flux. Cette contradiction entre simplicité et difficulté m'a aidé par deux aspects : d'abord, dans cette aspiration, cet irrésistible désir ardent, je me dis à chaque difficulté que je rencontre "Quels radotages! Ce ne sont que des difficultés créées par mon mental." Ensuite, viennent tes paroles souvent répétées:"Cela arrive". Il suffit d'être en silence et de sentir "Cela arrive", puis, il se passe beaucoup de choses.

OM: La difficulté n'est pas le travail en soi, mais la résistance au travail, car nous savons que le mental pensant, en instrument divisé, contient à chaque ''oui'' une équivalence en "non". Lorsqu'il s'efforce de dire "oui" c'est seulement parce que dans l' inconscient se cache un "non". Quand il s'astreint à "vouloir", l'inconscient dissimule un "je ne veux pas". Cette scission constante qui n'apparaît pas en pleine conscience transforme le travail intérieur nécessaire en une grande difficulté. Le deuxième obstacle est le refus ou l'indisposition à rester avec les phénomènes des zones inconfortables du mental. Chaque animal - et le principe de plaisir est un principe animal- cherche tout naturellement les endroits où il se sent à l'aise. Il en est de même pour l'humain qui dans son Moi limité s'identifie aux instincts du corps animal. Le chemin spirituel s'éloigne du principe de plaisir.Satyam Nadeen avisait ses élèves: "J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous. La bonne nouvelle est que la libération des conditionnements humains est à la disposition de chacun de vous en ce moment. La mauvaise , c'est que vous devez tous traverser la nuit noire de l'âme". Dans le moment d'inconfort, qui peut atteindre l' insupportable, beaucoup ne sont pas prêts à rester dans le "quatrième état". Être dans le quatrième état signifie rester dans un état méditatif d'immobilité intérieure, sans fuir , sans aller ailleurs (se distraire), et sans lutter contre.
Ces trois mouvements fondamentaux conduisent au sommeil de la conscience que nous éprouvons si douloureusement comme séparation de nous-mêmes. Dans la présence nue de nous-mêmes, il y a des phénomènes qui semblent d'abord insupportables. Cependant, ils ne le sont que si nous nous identifions à eux par l'un des trois mouvements au lieu de rester immobile dans le "quatrième état", l'être témoin. Une personne normale n'imagine aucunement cette possibilité de rester intérieurement juste tranquille, parce que personne ne la lui a enseignée. Quoiqu' il arrive, rester dans cette immobilité sans jamais détourner l'œil de la conscience - alors, tout se consume. Peur, colère, désespoir, culpabilité, les images, les représentations, tous ces cauchemars et visions d'horreur de l'esprit brûlent simplement . Le monde entier, qui est souffrance, se consume ainsi dans la conscience.

JEB: Peux-tu en dire plus au sujet de cette importante expression "se consumer"?

OM: La souffrance se consume, brûle d'elle-même; c'est cela la simplicité. Celui qui reconnaît que la souffrance n'est pas consumée par l'effort mais finalement par l'abandon complet de tout effort, celui-là reconnaît la simplicité de l'Être. Depuis quelques années Satsang et le non-enseignement de l'Advaita, qui est à son origine, rencontrent un succès grandissant en Occident. Beaucoup fêtent Satsang comme étant "Le nouvel enseignement de la facilité". Ils pensent maintenant "En réalité je suis déjà éveillé" et se détournent de toute forme de travail thérapeutique ou de Sadhana (exercice d'une discipline spirituelle) qu'ils considèrent désormais un concept. Le mental se sert du concept de non-travail pour justifier ainsi son manque de sérieux, son goût du confort. Puis il appelle cela "Juste faire ce qui me fait plaisir" ou " Célébrer la vie". Le concept de" Il n'y a rien à faire" est très attractif pour le goût du confort, passion principale du mental. Avec la propagation de Satsang, se diffuse aussi le malentendu concernant le non-effort, la confusion entre facilité et simplicité. La facilité n'est pas la simplicité, elle est seulement le refus de la difficulté qui survient dans l'effort du travail.
D'autre part, il y a aussi les très vieux malentendus religieux au sujet de l'effort. Nous tous, en Occident, vivons encore les malentendus de l'Eglise chrétienne et de ses générations de croyants, d'enseignants non éveillés. Une affirmation religieuse primaire est : "Efforce-toi de devenir un être humain bon!". Cette déclaration fondamentale implique "Tu es un pécheur, tu es un être mauvais. Efforce-toi de devenir meilleur. Repents-toi, purifie-toi." C'est pourquoi il y a pénitence et expiation. Dans toutes les religions il y a différents moyens pour se purifier, s'améliorer. Tout cela présume que tu es un être mauvais et l'effort qui en découle n'est rien d'autre que la tentative de réparer cet "être mauvais" , de te débarrasser de cette faute que tu as apparemment endossée, ou pour le moins de l'alléger. C'est le cercle vicieux infernal dans lequel t'amène le mental pensant traître, auteur de ce système. En vérité, reconnaîs qu'il est sans espoir et que jamais tu n'es en mesure de remédier à cette culpabilité, cette méchanceté , cette malignité - pour citer différents termes renvoyant à la même idée. C'est, je l'exprime souvent à l'aide d'une image simple, comme si tu voulais corriger une soupe trop salée en y ajoutant du sucre pour la neutraliser. Cela ne fonctionne que d'une manière très, très limitée. En fait, dans la dualité c'est impossible car ce serait une tentative de vaincre la dualité dans la dualité. En définitive, il s'agit de reconnaître qu' "être mauvais" , "être bon" et l'effort que tu mets en œuvre pour sortir d'un état que tu ressens comme mauvais ou coupable, que tout cela est un concept du mental pensant et n'a rien à voir avec Dieu. Dieu n'a pas dit "cela est bien" ou "cela est mauvais". C'est un système dont l'auteur est le mental pensant.

JEB: Dans la mythologie grecque aussi il y a cette image de Sisyphe qui pousse son rocher vers le sommet de la montagne et, invariablement avant qu'il n'atteigne la cime, ce même rocher dévale la pente et tout est à refaire.

OM: C'est l'idée de la damnation. Et la damnation est un concept rigidifié, endurci du mental, résultant de l'idée de culpabilité. Si nous étudions de près la culpabilité et tous les efforts nécessaires pour en sortir, alors nous constatons que la culpabilité ne vient jamais de la vie de ce moment, mais toujours d'ailleurs. Elle n'est jamais Ici, jamais Maintenant. Elle est toujours ailleurs, dans ce que nous appelons le passé. Le lourd fardeau du temps. Poonjaji disait: "Time is mind and mind is time". Cela signifie que le temps n'est qu'une autre expression pour mental, pour mental pensant.

vendredi 25 janvier 2008


Esprit
donne moi le courage de changer les choses
que je peux changer
donne moi la sérénité d'accepter celles
que je ne peux changer
et la sagesse
d'en comprendre la différence.

Prière indienne

Pierre Feuga - Un ton "à rebrousse-poil"...

Pierre Feuga enseigne le Yoga dans l'esprit de la tradition shivaïte du Cachemire. Il est aussi auteur de livres, de critiques et de chroniques. J'ai trouvé sa critique du livre d'Eric Baret, Le sacre du Dragon vert (Ed J.C. Lattès) très pertinente pour nous aider à mieux percevoir le dire de cet auteur et sa manière de nous le communiquer. Et à resituer la pensée de cet auteur dans le contexte spirituel d'aujourd'hui.


Ce recueil d'entretiens donnés par Eric Baret au Canada et en France fait suite à Les crocodiles ne pensent pas (Ed. de Mortagne, 1994) et L'eau ne coule pas (Ed. du Relié, 1995). Comme les deux précédents, plus encore peut-être, il déroutera - et c'est tant mieux - les lecteurs habitués à un langage spiritualiste édifiant et à un certain ronronnement de la pensée mais il stimulera et enchantera les esprits plus hardis, les amoureux de la non-dualité, sous sa forme hindouiste ou autre.


Eric Baret s'abreuve essentiellement à deux sources : l'advaita-vedânta et le tantrisme cachemirien. L'une et l'autre tradition lui ont été révélées par Jean Klein, ce "Noble Voyageur" - mort en 1998 - inconnu du grand public mais qui a exercé une influence très profonde un peu partout dans le monde. Dans ce livre Eric Baret parle assez souvent de son maître - et même quand il n'en parle pas on sent toujours sa présence - mais il le fait avec une extrême sensibilité, un mélange peu commun de pudeur et de liberté, d'amour et de détachement, sans jamais tomber dans l'hagiographie ou la propagande. Il évoque également d'autres gurus qu'il a rencontrés en Inde : Nisagardatta Maharaj, Mâ Ananda Moyî ou Poonja. Là encore, dans les "croquis" qu'il nous en trace, il sait dépasser l'anecdote et l'admiration médusée et fait preuve d'intégrité et de sens de la distance. Mais son ouverture intérieure ne se limite pas à l'hindouisme. Il se réfère en passant au soufisme, au taoïsme et laisse, à la fin de son ouvrage, la voix à Maître Eckhart, en reproduisant le magnifique sermon Beati pauperes spiritu. Cet appel à de multiples traditions ne relève ni du syncrétisme à la mode ni du vain étalage d'érudition. Comme le dit bien Baret, "le silence n'est pas chrétien, ni soufi, ni hindou, pourquoi constamment nommer ? Pourquoi constamment séparer ? C'est uniquement la peur, le besoin d'appartenir à telle ou telle tradition, qui nous fait accepter celle qui convient à nos préjugés, et en refuser une autre qui ne correspond pas à notre sensibilité. On n'approche pas une tradition comme on fait du shopping. On ne choisit pas une tradition, c'est elle qui éventuellement nous emmène dans son courant quand toute direction est abandonnée. La condition, c'est l'instant, ce regard non impliqué. Tout le reste a été ajouté. La tradition ne vit qu'à cet instant, libre de tout futur. Le reste, c'est du traditionalisme."

Quant à l'enseignement, on notera d'emblée son caractère apophatique, "à rebrousse-poil" : "Vous n'avez pas besoin de devenir, d'apprendre, d'étudier, de vous purifier, vous avez besoin d'arrêter de prétendre à quoi que ce soit." Cette invitation pressante au non-devenir, cet accent ramené constamment des objets vers le Sujet, l'être pur, s'inscrit dans le droit fil de la tradition advaitique. Eric Baret excelle à démonter les pièges du mental (lequel en dernier ressort n'existe pas, "est un mythe", comme dit U.G.), à démasquer notre tendance perpétuelle à ajourner, à projeter la "Libération" dans le futur ou dans l'idéal, au lieu d'affronter l'instant qui, même ingrat, même pénible, est la seule réalité. D'autres l'ont fait avant lui mais il n'y a rien à inventer dans le domaine de l'Eveil. Tout ce que l'on peut apporter de nouveau, c'est un style, c'est un ton adapté à une époque, à un lieu, à un moment, à une personne qui vous interroge, souvent dans un état de souffrance et de manque. Et, en ce sens, le ton de Baret est incontestablement nouveau, percutant, efficace. Le gaillard, comme on dit, "n'a pas froid aux yeux", il ne répugne pas aux images violentes, aux exemples très concrets, à l'humour décapant, à la provocation fraternelle. En ceci d'ailleurs il révèle son tempérament tantrique et "déborde" son maître Jean Klein qui usait généralement, dans ses entretiens publics du moins, de davantage de réserve et de délicatesse. Quelques échantillons : "Quittez toute voie spirituelle. Ne vous ruinez plus en séminaires spirituels. Surtout auprès d'êtres réalisés ! Délaissez votre église et votre pape. N'enrichissez plus l'Inde des Birla et des Tata. Restez chez vous. Jetez vos tofus et votre prétention à la paix par l'alimentation, le yoga ou autre taï-chi-chuan. Regardez. Ressentez. Regardez combien vous vous enfuyez de la réalité quotidienne. Vous avez un conjoint qui vous trompe, un cancer, un enfant drogué. Merveilleux, voilà la vraie vie. Voyez comme vous êtes affecté. Ne prétendez rien, n'essayez pas de vous échapper. Pas de recettes, d'exercice, d'attitude à observer. Etre lucide. Sentez la peine, la tristesse, la peur. C'est Dieu en activité. C'est votre chance." Ou plus loin : "Quand un drame arrive, on essaie par tous les moyens d'être consolé, de trouver une justification, de dire que cela devait arriver ; au lieu d'approfondir, de regarder son manque. Il faudrait aller dans le manque. La situation arrive, vous dérange, au lieu de faire un pas à l'extérieur, faites-le vers la situation ; vous vous souhaitez ce qui vous arrive. Au lieu de mettre le commentaire "c'est un drame qui m'arrive, cela ne devrait pas arriver, c'est insupportable", vous changez la formulation, vous vous dites "je me souhaite ce qui arrive"." Très tantrique encore - et quelque peu "évolienne" - cette réponse qu'il lance lorsqu'on lui fait observer qu'on vit "une époque très sombre, au plan politique et social" et qu'on lui demande s'il croit qu'il y a "beaucoup d'espoir de se sortir de cette crise de fin de siècle et de millénaire" : "J'espère que non parce que finalement ce qui est sombre, c'est la prétendue recherche spirituelle. Ce qui est sombre, c'est de voir des professeurs de yoga à tous les coins de rue. Ce qui est sombre, c'est le chanelling. Ce qui est sombre, c'est la recherche spirituelle moderne, c'est cette espèce de fuite de l'instant. Par contre, ce qui est merveilleux, ce qui est "auspicieux", c'est la guerre qui s'approche, ce sont les cataclysmes qui viennent, parce qu'ils remettent profondément en question l'être humain, lui font poser de véritables questions. Tout le reste le fait dormir."

Bien sûr, sortis de leur contexte, de leur mouvement, certaines de ces citations pourront paraître scandaleuses ou inutilement outrancières, et il est possible qu'Eric Baret, dans le feu du dialogue, se laisse parfois emporter par une sorte de mécanisme du paradoxe et de la pointe. Mais cela fait partie du jeu, du dérapage contrôlé, de l'art (l'auteur pratique les arts martiaux et considère très justement le hatha-yoga lui-même comme un art). De plus, ne se bornant pas à une simple démolition des idées reçues, à un aride "déconditionnement" à la façon krishnamurtienne, il propose, dans le sillage de Jean Klein, un travail véritablement subtil et approfondi sur les sensations corporelles, lesquelles, quand on les "écoute" avec respect, sont moins menteuses que les concepts. Grâce à cette technique très particulière - et très peu connue en Occident - Eric Baret quitte les marécages de la psychologie, de l'introspection à n'en plus finir et les mirages de la joute verbale où se complaisent tant de pseudo-Eveillés. Se référant à la doctrine upanishadique des "cinq gaines" (koshas) qui enveloppent le Soi, il fait remarquer qu'avec le "yoga classique" (qu'il appelle bizarrement râja-yoga : c'est plutôt, me semble-t-il, du hatha qu'il s'agit car il le définit comme "axé sur le dynamisme, l'intention, l'intensité") on reste essentiellement dans le prânamaya-kosha, la "gaine" ou la "couche de souffle", d'énergie vitale. Le yoga du Cachemire, au contraire, travaille avant tout sur la "gaine de félicité", la "couche de joie" (ânandamaya-kosha), qui est le premier reflet du Soi et nous rapproche plus intimement de ce dernier. Cette expérience libératrice de joie se retrouve évidemment dans la pratique initiatique de la sexualité. Eric Baret parle très finement du sujet mais paraît convaincu de la quasi-impossibilité d'enseigner une telle voie dans l'Occident moderne : "Les pratiques rituelles, évoquées par le tantrisme cachemirien ou autre, sont réservées à ceux dont la pensée et la sensorialité sont déjà éminemment épurées. Toute caricature de pratique de cet ordre, visant plus ou moins à une exploration de la sexualité, à en profiter plus, ne peut se situer que dans un cadre psychologique, psychopathique. La sexualité et ses ramifications affectives ne concernent que le monde profane."

Quelques défauts mineurs (redites, transcription fautive de mots sanskrits, flou artistique dans certaines définitions ou références traditionnelles) n'altèrent pas la "santé" générale de ce texte, jailli sur le vif, d'une seigneuriale liberté, totalement désespéré et, pour cela, en fin de compte, très tonique.

Pierre Feuga


jeudi 24 janvier 2008

Eric Baret "Du point de vue de la tranquillité..."

Un autre extrait au sujet de la sexualité, percutant et bousculant ! Je communique cet extrait, non pour convaincre d'adhérer à cette pensée, ni pour déclarer que son auteur détient La Vérité .... mais pour nous donner un point fort de questionnement et permettre de nous positionner.
L'attention n'est elle pas aussi de rester en relation avec et dans notre dimension humaine ? Le danger ne serait il pas de s'en couper, au nom de la spiritualité et du divin ?


La sexualité n’existe pas. Pour la plupart des gens, c’est uniquement une compensation, une monnaie de marchandage. Cela permet d’attacher ou de sécuriser quelqu’un. Du point de vue de la tranquillité, il n’y a pas vraiment de sexualité. Vous pouvez éventuellement rencontrer quelqu’un avec qui vous sentez une profonde intimité et vous la célébrez par le regard, par le toucher. Vous célébrez aussi en écoutant ensemble, un concert, en faisant un voyage. A ce moment-là il ne s’agit plus de sexualité mais d’une expression de la tranquillité, il n’y a plus de besoin. L’accent est mis sur l’intensité et non sur la décoration. C’est très différent. Quand vous êtes avec quelqu’un qui a vraiment un sentiment d’autonomie, même la formulation de l’acte sexuel a complètement changé. Vous ne pouvez pas, quand vous avez un corps sensible et que vous vivez le pressentiment, faire l’amour a huit heures le matin, puis à midi puis à quatre heures de l’après-midi. Quand vous vivez une rencontre, vous en portez le parfum longtemps encore en vous. Vous n’avez pas besoin de recommencer deux heures plus tard. La fréquence des rapports diminue puisque l’élément substantiel est complètement différent. Cela ne part plus du manque. Tout vient du plein. Une véritable rencontre se fait du point de vue de ce non-désir. Sinon c’est une activité comme une autre, comme aller au cinéma. Et cela va très peu loin. Dans une rencontre véritable, le toucher, le regard, l’odorat, l’écoute sont stimulés. Vous pensez à la personne avant de la voir et vous ressentez encore sa présence après l’avoir vue. Il y a toute une fête des sens qui entre en action. Vous quittez complètement l’élément objectif de la sexualité. L’objet disparaît complètement. Il ne reste qu’écoute, que globalité.


Eric Baret - Extrait p 195-196 : Le yoga tantrique du cachemire - Ed du Relié Poche
http://www.bhairava.ws


lundi 21 janvier 2008

Les mains du poème...

Le poème respire avec ses mains qui ne prennent pas les choses,
qui les respirent comme des poumons de paroles,
comme une rauque chair verbale en proie au monde.
Les mains du poème reconquièrent l'antique pouvoir
de toucher les choses avec les choses.

R. Juarros, Poésie verticale

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Osho - Qui se ressemble s'assemble

Les textes d'Osho sont un point de référence important pour aborder et accompagner le questionnement sur l'amour, la sexualité et toute la dimension sacrée de et dans la relation. Le tantra tel qu'il le propose et selon avec qui nous en expérimentons la transmission est pour moi une possibilité de célébration de la vie, de rencontre de soi dans la dimension relationnelle avec un ou un(e) partenaire, d'ouverture de conscience dans le discernement de l'égo, de temps forts de méditations assise ou dynamique et du déploiement de notre énergie vitale.

http://www.osho.com
et newsletter@osho.com (pour recevoir la newsletter mensuelle

Seule une personne d'amour; une personne qui est déjà dans l'amour, peut trouver le partenaire juste. Ce que j'ai observé c'est que si vous êtes malheureux vous trouverez quelqu'un qui est malheureux. Les gens malheureux sont attirés vers les gens malheureux et c'est bon, c'est naturel. Il est bon que les gens malheureux ne soient pas attirés vers les gens heureux; autrement ils détruiraient leur bonheur. C'est parfaitement bien ainsi.

Seuls les gens heureux sont attirés vers les gens heureux. Le Semblable attire son semblable, les gens intelligents sont attirés vers les gens intelligents; les gens stupides sont attirés vers les gens stupides. Vous rencontrez les gens du même plan que le votre. Aussi, la première chose à se rappeler est qu'une une relation sera nécessairement amère si elle a grandi à partir de la tristesse. Soyez d'abord heureux, soyez joyeux, célébrez et ensuite vous trouverez une autre âme qui célèbre tout autant, il y aura alors une rencontre de deux âmes dansantes et une grande danse en émergera. Ne cherchez pas une relation à partir de la solitude, non. Vous vous déplacez alors dans une fausse direction. L'autre sera alors utilisé comme un instrument et l'autre vous utilisera comme un instrument. Or personne ne veut être utilisé comme un instrument ! Chaque unique individu est une fin en lui-même. Il est immoral d'utiliser quelqu'un en tant que instrument.

Apprenez d'abord comment être seul. La méditation est une façon d'être seul. Si vous pouvez être heureux lorsque vous êtes seul, vous avez appris le secret d'être heureux. Maintenant vous pouvez être heureux ensemble. Si vous êtes heureux, alors vous avez quelque chose à partager, à donner et lorsque vous donnez, vous recevez ; ce n'est pas l'inverse. Alors le besoin émerge d'aimer quelqu'un.

D'ordinaire, le besoin est d'être aimé par quelqu'un. C'est un faux besoin. C'est un besoin enfantin; vous n'êtes pas mature, c'est l'attitude d'un enfant. Un enfant naît ; bien sûr, l'enfant ne peut pas aimer la mère; il ne sait pas ce qu'est l'amour et il ne sait ni qui est la mère ni qui est le père, il est totalement impuissant. Son être a encore besoin d'être intégré ; il n'est pas entier, il n'est pas encore unifié, il n'est encore qu'une possibilité. La mère doit aimer, le père doit aimer, la famille doit déverser l'amour sur l'enfant. Avec cela il apprend une chose ; que chacun doit l'aimer, il n'apprend jamais qu'il doit aimer. Maintenant l'enfant grandira et s'il reste englué dans cette attitude que chacun doit l'aimer, il souffrira toute sa vie. Son corps a grandi, mais son mental est resté immature. Une personne mature est celle qui connaît le besoin de l'autre, maintenant je dois aimer quelqu'un.

Le besoin d'être aimé est enfantin, immature; le besoin d'aimer est mature. Et lorsque vous êtes prêt à aimer quelqu'un, une belle relation émergera; il n'en va pas autrement.

"Est-il possible", demande une femme, "à deux personnes dans une relation amoureuse d'être "mauvaise" l'une envers l'autre ?" Oui, c'est ce qui se passe dans le monde entier. Être bon est très difficile. Vous n'êtes même pas bon avec vous-même, comment pouvez-vous être bon avec quelqu'un d'autre ?

Vous ne vous aimez même pas vous-même ! Comment pouvez-vous aimer quelqu'un d'autre ? Aimez vous, soyez bon avec vous-même. Vos prétendus saints religieux vous ont appris à ne jamais vous aimer, à ne jamais être bon avec vous-même. Soyez dur sur vous-même ! Ils vous ont appris à être doux envers les autres et dur envers vous-même. C'est absurde. Je vous enseigne que la première et principale chose est d'être dans l'amour avec vous-même. Ne soyez pas dur ; soyez doux, prenez soin de vous. Apprenez à vous pardonner encore et encore, sept fois, soixante-dix-sept fois, sept cent soixante-dix-sept fois. Apprenez à vous pardonner. Ne soyez pas dur; ne soyez pas antagonique envers vous-même, alors vous fleurirez. Dans cette floraison vous attirerez une autre fleur, c'est naturel. Les pierres attirent les pierres; les fleurs attirent les fleurs. Alors il y a une relation qui a de la grâce, qui a de la beauté, qui porte en elle une bénédiction. Si vous pouvez trouver une telle relation, votre relation se développera en prière ; votre amour deviendra une extase et par l'amour vous connaîtrez ce qu'est le divin.

Osho - Extrait de : "Ecstasy,The Forgotten Language"


dimanche 20 janvier 2008

Christiane Singer... Cette audace d’amour ... Extraits de son dernier livre

Dernièrement j'ai été très émue par la lecture du dernier ouvrage de Christiane Singer, "Derniers fragments d’un long voyage", Ed Albin Michel.
Premier extrait, celui d’une communication qu’elle a faite pour l’ouverture du Forum Terre du Ciel et deuxième extrait, celui qu'un ami m'a retranscrit au moment de la mort de sa mère... dans une si grande résonance pour lui.

« Au fond je viens seulement vous apporter cette bonne nouvelle : de l’autre côté du pire t’attend l’amour. Il n’y a en vérité rien à craindre. Oui c’est la bonne nouvelle que je vous apporte. Et puis il y a autre chose encore. Avec cette capacité d’aimer, qui s’est agrandie vertigineusement, a grandi la capacité d’accueillir l’amour. Et cet amour que j’ai accueilli, que j’ai recueilli de tous mes proches, de mes amis, de tous les êtres que, depuis une vingtaine d’années, j’accompagne et qui m’accompagnent – parce qu’ils m’ont certainement plus fait grandir que je ne les ai fait grandir. Et subitement toute cette foule amoureuse, toute cette foule d’êtres qui me portent ! Il faut partir en agonie, il faut être abattu comme un arbre pour libérer autour de soi une puissance d’amour pareille. Une vague. Une vague immense. Tous ont osé aimer. Sont entrés dans cette audace d’amour. En somme il a fallu que la foudre me frappe pour que tous autour de moi enfin se mettent debout et osent aimer. Debout dans leur courage et dans leur beauté. Oser aimer du seul amour qui mérite ce nom et du seul amour dont la mesure soit acceptable : l’amour exagéré ; l’amour démesuré ; l’amour immodéré. Alors, amis, entendez ces mots que je vous dis là comme un grand appel à être vivants, à être dans la joie et à aimer immodérément. Tout est mystère ….. La main sur le cœur, je m’incline devant chacun de vous. »

" Ce qui est bouleversant, c'est que quant tout est détruit, quand il n'y a plus rien, mais vraiment plus rien, il n'y a pas la mort et le vide comme on le croirait, pas du tout. Je vous le jure. Quand il n'y a plus rien, il n'y a que l'Amour. Il n'y a plus que l'Amour. Tous les barrages craquent. C'est la noyade, l'immersion. L'amour n'est pas un sentiment. C'est la substance même de la création. [...] Je croyais que l'amour était reliance, qu'il nous reliait les uns aux autres. Mais cela va beaucoup plus loin! Nous n'avons même pas à être reliés: nous sommes à l'intérieur les uns des autres. C'est cela le mystère. C'est cela le plus grand vertige."

samedi 19 janvier 2008

Mayah Baty, L'Une



J'ai pris le pas sur le temps
je lui ai demandé son heure
il m'a dit ; c'est maintenant.
Mayah Baty, L'Une



Krishnamurti "Mourir chaque jour..."

J'ai mis beaucoup de temps à pouvoir lire Krishnamurti, qui me semblait si conceptuel par rapport à ma démarche ancrée dans l'expérience du corps. Puis l'ouverture s'est faite. Sans doute me suis je détendue et mon esprit s'est il rendu plus disponible à écouter cette pensée ? J'ai pris note de cet extrait sans avoir noté son origine.

Pour consulter un guide de références de livres : http://inner-quest.org

Il faut que vous mouriez chaque jour, naturellement, comme meurt une fleur, il faut resplendir dans la plénitude et la richesse de sa floraison, puis mourir à cette beauté, à cette richesse, à cet amour, à cette expérience, à ce savoir. C'est en mourant à cela quotidiennement que vous renaissez, et que votre esprit retrouve sa fraîcheur.

La fraîcheur d'esprit est indispensable ; sinon vous ignorez ce qu'est l'amour. Si vous ne mourez pas, votre amour n'est qu'un souvenir ; votre amour est alors englué dans l'envie, dans la jalousie. Vous devez mourir chaque jour, à tout ce que vous connaissez, à votre haine, aux affronts reçus comme aux flatteries. Il faut y mourir ; alors vous verrez que le temps n'a pas de sens. Alors, demain n'existe plus ; seul existe le maintenant, qui est au-delà d'hier, d'aujourd'hui et de demain. Et c'est dans ce seul maintenant qu'est l'amour.

Un être humain dépourvu d'amour ne peut pas approcher la vérité. Et vous ne pouvez pas aimer si vous ne mourez chaque jour à votre mémoire ; c'est quelque chose de vivant. Une chose vivante, c'est un mouvement, et ce mouvement ne peut pas être mis en cage, emprisonné dans les mots ou la pensée, ou captif d'un esprit uniquement préoccupé de quête égocentrique. Seul l'esprit qui a appréhendé le temps, mis fin à la souffrance, et qui est sans peur - seul cet esprit-là sait ce qu'est la mort. Et donc, pour un esprit de cette trempe, la vie est.

J. Krishnamurti


Prendre le chemin de la rose...


« Pour arriver au cœur de la rose,

nous n’avons qu’à prendre le chemin de la rose,

aller à elle selon sa voie.
S’approcher avec une telle absence de soi,

avec une telle légèreté, sans troubler sa proximité,

entrer à pas de parfum dans l’eau de son parfum.»

Hélène Cixous


Richard Moss "Transformation du soi..."

Richard Moss, grâce à son enseignement nous aide à être dans une ouverture de conscience très reliée aux évènements de la vie et à notre qualité relationnelle avec nous même, aux autres, à la vie et au divin. Son travail est vraiment une exploration de la conscience. C'est aussi une démarche profonde, dans l'authenticité et la bienveillance, pour nous poser dans l'instant présent, avec ce qui est. Ses séminaires, très engagés dans l'expérientiel sont pour moi des temps forts de pratiques, de questionnements et de prises de conscience.

Richard Moss :
De la foi à la joie : devenir plus pleinement humain (extrait du texte)
http://www.richardmosseurope.com

Pour revenir à la nature contradictoire du terme « transformation du soi », le mouvement réel de ce premier miracle vers un soi plus grand ne se réalise pas complètement par des efforts personnels. Il y a pour sûr un effort significatif à faire, mais il n'est pas tant d'essayer de nous transformer que de devenir plus alerte ou conscient de la vraie manière dont notre conscience fonctionne dans ce cadre de soi séparé. La vraie transformation est réellement l'activité d'une intelligence plus profonde qui est pré-disponible à chacun de nous. Il s'agit alors non pas d'essayer de nous changer mais de comprendre comment nous fuyons nos profondeurs, comment nous tentons d'éviter le cœur même de notre ressenti qui nous lie à ce que j'appelle la relation fondamentale, la relation à soi, à l'autre et au Divin.
La transformation du soi se déroule d'elle-même à partir de ce que nous sommes déjà, alors que nous comprenons progressivement les mécanismes et stratégies par lesquels nous continuons à éviter la relation à notre soi profond. Quand nous cessons de donner de l'énergie à ces différentes stratégies, ce qui s'ensuit émerge de l'intelligence même de la vie. De la même façon qu'il n'y a pas d'effort conscient de la conception à l'enfantement, ni de l'enfantement à l'enfance, le mouvement réel pour passer d'un ego limité à une conscience élargie est donné par la vie elle-même quand nous cessons de lui faire obstruction. A la fin, quand toutes les stratégies pour résister à la vie sont tombées, que peut-il rester d'autre qu'un être humain ? Au lieu d'une quelconque immunité magique accordée par un contact avec le transcendant, la danse de l'éveil nous invite plus pleinement à la vie et à une responsabilité consciente.

Si le but de la transformation est de devenir un être humain, une question évidente se pose : Comment peut se communiquer cette humanité vraie et authentique ? Ma réponse est la suivante : le plus grand cadeau que nous puissions nous faire les uns aux autres est la qualité de notre attention. Quand notre attention est enracinée dans la tranquillité universelle, au cœur de notre vraie nature, nous voyons les autres comme des parts de l'infini, participant au mystère. Cette qualité d'attention ouvre à une toute nouvelle vitalité qui n'est plus un transfert de nous vers l'autre mais un appel dans l'autre créé par le seul fait d'être disponible à cette attention plus profonde. Chaque fois que l'un d'entre nous va plus en profondeur, il y invite tous ceux qui l'entourent. C'est la grande voie par laquelle la vraie transformation est contagieuse […] Il naît avec cette attention grandissante un sens que le spirituel n'est pas dans les phénomènes paranormaux, ou dans ce qui se passe dans les lieux de culte, sur le Machu Pichu, les pyramides ou un quelconque lieu de pèlerinage New Âge. Le Sacré est partout. Tout est sacré. Et chacun de nous est une part de ce processus du sacré.

vendredi 18 janvier 2008

Eric Baret "Aimer vraiment quelqu'un..."

Un point de vue à méditer ...
Les livres d'Eric Baret transmettent une conviction profonde issue de l'écoute de la tradition non duelle du Shivaïsme cachemirien telle qu'enseignée par Jean Klein. C'est pour moi une approche bousculante qui résonne par petites touches et participe à l'exploration de l'approche corporelle comme support de réalisation spirituelle. C'est une source continuelle de questionnements ouverts dans laquelle je puise un certain appui.

Eric Baret « Le seul désir » ; éditions Almora (extrait du chapitre 23)

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Q : Souvent je me pose la question de ce que c'est qu'aimer vraiment quelqu'un...

Eric Baret : C'est un concept. On ne peut pas aimer quelqu'un. C'est un fantasme. La personnalité ne peut pas aimer. Aimer, c'est ce qui est essentiel, ce n'est pas quelque chose que l'on peut faire ou non. Quand on arrête de faire, il reste l'amour. Mais aimer quelqu'un... On aime quelqu'un s'il correspond à son fantasme. La personne que vous aimez, si elle fait ceci ou cela, vous ne l'aimerez plus. Un amour qui commence et qui finit, ce n'est pas vraiment un amour. Aimer, c'est écouter, c'est être présent.

Aimer vos enfants, c'est ne rien leur demander et tout leur donner. Un jour, ils disparaîtront, ils ne seront plus en contact avec vous. Demander à votre enfant de vous téléphoner, de vous donner des nouvelles, ce n'est pas de l'amour. L'enfant fait ce qu'il sent le besoin de faire ; on ne demande rien à un enfant. Mais aimer quelqu?un sur un plan humain, c'est un fantasme. L'ego ne peut pas aimer. Il utilise, prétend, se sécurise.

Quand vous trouvez quelqu'un qui correspond à votre fantasme physique, psychologique, intellectuel, affectif, vous dites l'aimer profondément. Quand cette personne fait ensuite ceci ou cela, vous dites que c'est quelqu'un de détestable.

On ne peut pas aimer quelqu'un. Ressentir une forme d'amour est profondément juste. C'est avant le fantasme du « j'aime quelqu'un ». Le sentiment d'amour est profond, essentiel. Mais, par manque de maturité, on pense aimer quelqu'un. On n'aime pas quelqu'un ; on aime tout court, parce que l'amour est sans direction. Ce que j'aime, c'est ce qui est présent devant moi. Il n'y a rien d'autre. Que pourrait-il y avoir de plus beau, de plus extraordinaire que ce qui se présente à moi dans l'instant si je n'ai pas l'idée que la beauté, la sagesse sont là-bas ?

L'amour est ce qui est quand on arrête de prétendre aimer quelqu'un. Aimer quelqu'un, vouloir être aimé, c'est une histoire. Que veut dire être aimé ? Personne ne vous aime, personne ne vous aimera jamais, personne ne vous a jamais aimé et c'est merveilleux ainsi. Les gens ne peuvent que prétendre. Si vous correspondez à leurs critères psychologiques, physiques, affectifs, ils vous aiment quand ils vous rencontrent. Si vous correspondez à l'inverse, ils vous détestent. Et alors ? Il y a des chiens qui vous aiment, d'autres qui ne vous aiment pas. C'est biologique. Pourquoi s'occuper de ces choses-là ? Que signifie être aimé ? C'est un fantasme. Qu?est-ce que cela peut faire que quelqu?un projette sur moi quelque chose d?attirant ou de repoussant ? C'est complètement fantasmatique ! À un moment donné, vous vous rendez compte que vous n?avez pas besoin d'aimer, pas plus que d?être aimé. Que reste-t-il ? Il reste le sentiment d?amour, cette communion qu'on a entre tous les êtres et qui n'est pas directionnelle.

Vous vous rendez compte que c'est à vous d'aimer. Ce qui vous rend heureux, c'est d’aimer. Si quelqu'un vous dit vous aimer profondément mais que vous ne l'aimez pas, cela ne vous fait rien. Par contre, quand vous aimez, cela vous rend heureux. Les choses étaient vues à l'envers : c'est à moi d'aimer. Quand j'aime mon corps, mon psychisme, mon environnement, il y a tranquillité. Mais vouloir être aimé est un concept.

Quand vous aimez, vous n'aimez pas quelqu'un, vous aimez tout court. La personne avec laquelle vous vivez, couchez ou allez au cinéma, c'est autre chose. Vous ne pouvez pas coucher avec tout le monde, habiter avec tout le monde. Une sélection organique se fait. Mais l'amour ne se situe pas là. Ce n'est pas parce que vous couchez avec un homme que vous l'aimez plus qu'un autre avec qui vous ne couchez pas ! Ce n'est pas parce que vous vivez avec une femme que vous l'aimez plus qu?une autre avec qui vous ne vivez pas. C'est fonctionnel. Il y a des gens que l?on aime profondément et l'on ne vit pas avec eux, on ne couche pas avec eux. Les circonstances ne sont pas là. Je n?ai pas besoin d?aimer quelqu’un pour vivre avec lui, coucher avec lui, partir en voyage avec lui. Cela se passe à un autre niveau. Mais aimer quelqu'un, tôt ou tard vous verrez que cela ne veut rien dire. C'est comme se prendre pour quoi que ce soit, se prendre pour un Français, par exemple ; c'est une image.

Je peux être stimulé par quelqu'un. Lorsque mon corps passe à trente mètres de tel autre corps, une forme d'intensité se manifeste, et à dix mètres c'est encore plus intense, et dès que l'on s'effleure c'est comme une folie qui vient : son odeur, la forme de son corps, le son de sa voix, sa manière de bouger, sa douceur ou sa violence, sa richesse ou sa pauvreté font que je suis touché. Mais pourquoi mettre le mot « amour » là-dessus ? C'est purement chimique. Selon ce à quoi ressemblait votre père, votre grand-père, si à trois ans vous avez été battu ou caressé, vous allez aimer telle ou telle forme de corps, telle ou telle odeur, tel ou tel mouvement. Tel homme vous attire, tel autre pas du tout. Cela remonte à très, très loin. Il n'y a pas à mettre le mot « amour » là-dessus. Ce n'est que lorsque vous voyez cela que vous pouvez vivre avec quelqu'un, vous marier, avoir des enfants, tout cela sans besoin de jouer la comédie. Vous vivez fonctionnellement avec quelqu'un, avec tout le respect et l'écoute que cela implique. Mais vous n'êtes pas obligé de croire que vos enfants sont vos enfants, que vos parents sont vos parents, que votre mari est votre mari. Ils le sont aussi, bien sûr, occasionnellement.

Aimer, c'est écouter. Vous êtes en face d'une situation, avec un homme ? Vous l?écoutez. Vous écoutez ce qu'il est, pas uniquement ce qu'il prétend être. Vous écoutez profondément, sans commentaire. Quand vous écoutez, vos enfants sont parfaits, votre mari est parfait, vos parents sont parfaits, votre corps est parfait, votre psychisme est parfait. Telle est la vision claire qui vient de l'écoute.

Lorsque je pense que mes enfants, mon mari, mon corps doivent changer, c'est que je n'écoute pas. Je parle, j'ai une idéologie à propos de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas. C'est cela, le fascisme : vouloir que les autres soient comme je décide qu'ils devraient être. Ce fascisme psychologique n'a pas de sens.

Aimer, c'est respecter. Je respecte mon environnement, mon enfant, mon mari, mon père, la société et toutes les violences que j'ai subies. Je respecte ce qui est là. Cela ne justifie rien, je n'ai pas à justifier. La vie n'a pas à être justifiée ; elle est ce qu?elle est. Je fais face à la réalité, non pas à ce que la réalité devrait être selon ma fantaisie intellectuelle. Le voisin est exactement comme il doit être, il ne peut pas être autrement. Quand je vois clairement comment il fonctionne, j'ai de bons rapports de voisinage. Quand mon voisin bat sa femme, je comprends profondément que sa terrible souffrance l'amène à battre sa femme. Cela ne veut pas dire que, dans certains cas, je ne vais pas appeler la police, faire une remarque ou intervenir physiquement. Cela veut dire que je sais que quand on bat sa femme on le fait par souffrance, que quand on est violent c?est que l'on se sent agressé. On peut se sentir agressé par un sourire...

Dans une absence totale de critique, il y a une compréhension de la situation. J'appelle cela respect. Certains l'appellent amour. Mais aimer quelqu'un, quelle histoire extraordinaire ! Et être aimé, c'est encore plus merveilleux comme histoire ! Souffrir de ne pas être aimé, c'est le summum ! Voir comment on fonctionne.

Si je donne un biscuit au chien, le chien m'aime. Si je tape sur le museau du chien, le chien ne m'aime pas. Je fais ceci, mon mari m'aime. Je couche avec son frère, mon mari ne m'aime plus. Et alors ?... Laisser les gens libres. Les gens m'aiment, les gens ne m'aiment pas, c'est merveilleux ainsi. Avoir besoin d'être aimé est une mode qui va passer. Elle est le fruit d'une époque un peu décadente.

Avoir besoin d'être aimé est une forme de maladie très intense sur le plan somatique. C'est terrible, tout comme la jalousie. Cela détruit le système hormonal, le système cellulaire. Ce besoin d'amour est un poison. Le remède, c'est d'aimer. On ne peut qu'aimer. Quand on dit : « Je n'aime pas », on nie l'essentiel en soi-même, parce qu'il n'y a rien que l'on puisse ne pas aimer. Quand je dis ne pas aimer telle personne, je nie l'amour qui est en moi. Alors, je souffre.

C'est merveilleux d'aimer, d'être totalement attentif à quelqu'un. Comme avec un enfant. Est-ce que l'on peut empêcher l'enfant de mourir, de se faire écraser ? Non. On aime l'enfant comme il est maintenant, à chaque instant. On ne sait pas si, l'instant d'après, il aura toujours cette forme. On est présent sans demande. Que peut-on demander à un enfant ? On fait tout ce que l?on peut, sans lendemain. C'est gratuit. Quand on vit avec un homme, c?est la même chose : vous faites tout ce que vous pouvez, sans rien demander. Là, une autonomie, une maturation se crée. Si, un jour, par la nature de la vie, il y a séparation d'avec la personne qui a vécu dix ans avec vous, d?abord vous verrez que cet amour ne vous quitte pas, et ensuite, si vous aimez profondément cette personne, il y aura une immense facilité pour vous de comprendre qu?elle a besoin de rencontrer quelqu'un d'autre et vous aussi (ou pas).

L'amour, c'est la plasticité. Aucune demande possible. Plus vous vous familiarisez avec l'attitude de tout donner et de ne rien demander, plus vos relations affectives deviennent simples, faciles, harmonieuses. Dès l'instant où vous demandez la moindre chose, vous rencontrez l'amertume, la déception, les regrets, l'hésitation, l'agitation, le conflit.

Cela se transpose à tous les niveaux. Tant que j?attends la moindre chose de mon corps, je serai déçu. Jusqu?au moment où je me rends compte que, au contraire, c?est moi qui dois donner, aimer. J'aime donc mon corps comme il est, avec ses maladies, ses limites, ses faiblesses, ses accidents. S'il est ainsi, c'est qu'il y a de très bonnes raisons. Il n'y a pas de hasard ? ce qui ne veut pas dire que cela ne changera pas. Je me rends disponible pour que mon corps puisse s'exprimer, dans la santé comme dans la maladie. Mais si je demande quelque chose à mon corps,si je veux utiliser mon corps, c'est encore la dictature, la volonté d'imposer la santé, le sport, un régime alimentaire, etc. C'est une forme de violence.

J'écoute mon corps, qui transmet ce dont il a besoin. Tout ce que j'ai à faire, c'est d'être disponible. Chaque fois que mon corps a une faiblesse, je comprends que c'est un cadeau qui me permet d'en découvrir une qui est autrement plus importante : celle de croire que mon corps doit être sans faiblesse. C'est cela, la faiblesse. Quand je fais face clairement à cela, à un moment donné la faiblesse du corps reste ce qu'elle est : simple faiblesse du corps ; je ne me sens pas faible parce que mon corps est faible. Mais si la faiblesse du corps fait que je me sens faible, c'est à ma faiblesse psychologique que j'ai besoin de faire face. La faiblesse de mon corps m'aide à m?interroger.

Ce qui me touche est ce qui me mûrit. Le fantasme de l'amour est une chose très ponctuelle dans la vie humaine. Cela ne dure qu?un moment, au milieu de la vie, pendant cette période où l'on entretient des voitures de course rouges. Un enfant de dix ans n'a pas ce fantasme ; il est très heureux sans être amoureux. À vingt-cinq ans, il se dit que, s'il n'est pas amoureux, la vie n'a pas d'intérêt ! Plus tard, à quatre-vingt-quinze ans, il n'a plus du tout envie que quelqu'un lui saute dessus pour le tripoter et il est très heureux quand même.

L'amour tel qu'on l'entend habituellement est une absence d'amitié. C'est un troc, un échange, du business. Tu me donnes ceci, je fais cela. Je ne couche pas avec la voisine, tu ne couches pas avec le voisin ; nous sommes fidèles. L'amitié, c'est être disponible à tout ce qui est possible. On n'est pas obligé de savoir si l'on est l'amant, le mari, l'ami, le père, l'enfant. Il y a un tas de rôles humainement possibles. À un moment donné, on ne se situe plus en fonction de ces rôles. Tout est souple. Si on rencontre quelqu'un, on n'a pas de rôle. Le rôle se crée dans l'instant et il s'efface dans l'instant.

Il faut trouver une créativité dans les relations humaines. Il n'y a pas une seule alternative -- faire l'amour ou ne pas faire l'amour -- il y a de multiples possibilités de rencontres humaines physiques, mentales, psychologiques. S'ouvrir à toutes ces couches, corporellement. Il n'y a pas que la tendresse ou la violence. Il y a toute une palette d?émotions. Par peur, par besoin de savoir quelque chose sur soi-même, on ne connaît généralement que l'un ou l'autre... et on néglige tout ce qui est au milieu.

C'est facile, les relations humaines, très facile. Il suffit d'aimer ce que l'on rencontre. Aimer, c'est donner la liberté. Là où il ne peut pas y avoir de conflit psychologique, on ne peut pas se fâcher. Des gens se fâchent avec vous ? Vous respectez cela. À un certain moment, on ne peut plus être fâché.

Il y a des souffrances inévitables, des souffrances physiques : quand on est torturé, quand on a certains accidents terribles. Mais la souffrance psychologique -- souffrir parce que ma femme fait ceci, parce que mon mari fait cela, parce que telle personne est morte -- est une chose inutile. On a déjà suffisamment de souffrances inévitables à affronter pour réserver notre capacité de souffrance à ces moments-là. Souffrir parce qu'on n'est pas aimé, de cela au moins on peut se passer. Cela ne nie pas l'intensité des rapports humains, au contraire. C'est le fantasme d'aimer qui rend mièvres les rapports humains.

On peut très bien vivre toute une vie avec quelqu'un dans un profond amour. Dans ce cas, ce n'est pas un fantasme d'aimer, c'est une résonance qui est là. Si vous n'avez pas l'idée d'aimer quelqu'un, vous n'avez pas non plus besoin de changer de mari tous les dix ans. Vous savez très bien qu'avec un autre ce sera pareil ; on rencontre uniquement sa propre problématique. On peut passer toute une vie dans un rapport merveilleux, on peut passer toute une vie à approfondir ce rapport ; c'est un rapport sans demande, un rapport d'amour, dans le sens où l'on aime profondément ce qui est là. Autrement, il y a toujours déception. On est déçu, amer. On a la lèvre supérieure légèrement rétractée, symptôme physiologique des gens amers. On s'énerve facilement, on sursaute avec le téléphone, on est acariâtre parce que l'on est déçu sans le savoir, parce que l'on a demandé quelque chose qui n'existait pas. Cette prise de conscience nous libère de toute demande. Que reste-t-il alors ? Il reste l'amour, le non-besoin.

Guendune Rinpoché : Le Bonheur

Le Bonheur

Le Bonheur ne se trouve pas avec effort et volonté,
Mais réside là, tout proche,
Dans la détente et l'abandon.
Ne sois pas inquiet, il n'y a rien à faire.

Tout ce qui s'élève dans l'esprit n'a aucune importance,
Parce que dépourvu de toute réalité.
Ne t'attache pas aux pensées, ne les juge pas.
Laisse le jeu de l'esprit se faire tout seul,
S'élever et retomber, sans intervenir.
Tout s'évanouit et recommence à nouveau, sans cesse.

Cette quête même du bonheur est ce qui t'empêche de le trouver.
Comme un arc-en-ciel qu'on poursuit sans jamais le rattraper.
Parce qu'il n'existe pas, parce qu'il a toujours été là,
Et parce qu'il t'accompagne à chaque instant.
Ne crois pas à la réalité des choses bonnes ou mauvaises,
Elles sont semblables aux arcs-en-ciel.

A vouloir saisir l'insaisissable, on s'épuise en vain.
Dès lors qu'on relâche cette saisie, l'espace est là,
Ouvert, hospitalier, et confortable.
Alors jouis-en.
Ne cherche plus.
Tout est déjà tien.
A quoi bon aller traquer dans la jungle inextricable,
L'éléphant qui demeure tranquillement chez lui.
Cesse de faire.
Cesse de forcer.
Cesse de vouloir.
Et tout se trouvera accompli,
Naturellement.

Guendune Rinpoché, Maître de méditation


jeudi 10 janvier 2008

Bienvenue et Passage en douceur pour 2008

Dans le flot continu des matins à venir
Avec tous les possibles inconnus à cueillir,
Chaque jour de cette nouvelle année
Contempler le silence lumineux de la nuit
Se fondre dans la présence magique de l'aube
Ecouter le coeur de son battement de vie,
Passage en douceur d'Etre
Expression vibrante de notre tendre humilité
Révélation mystérieuse de notre noble humanité.
Christiane

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