samedi 27 septembre 2008

John Welwood - La Transmutation

John Welwood est psychothérapeute en Californie. Il a suivi la voie du boudhisme tibétain. Son approche fait le lien entre sa pratique de thérapeute et de pratiquant spirituel. Il parle ici de la transmutation de l'énergie et/ou émotions.

www.johnwelwood.com


La tradition tantrique du bouddhisme Vajrayana est connue en tant que chemin de transformation, dans lequel l’expérience «impure» - marquée par l'ignorance, la dualité, l'agression, la saisie - est transmuée en expérience «pure », illuminée par la vigilance, l'ouverture, l'absence de saisie et l'appréciation spontanée. Dans le Vajrayana, les méthodes fondamentales de visualisation, de mantra, de moudra et de rituel symbolique conduisent, à terme, à l'approche plus avancée et absolument directe du Mahamoudra/Dzogchen dans laquelle le pratiquant supprime la séparation entre pur et impur en rencontrant l'immédiateté à l'état brut de l'expérience en cours et en s y ouvrant. Dans cette rencontre directe, la qualité épaisse, lourde et captivante de l'expérience disparaît, révélant en son sein une intelligence vivante plus profonde.

Chôgyam Trungpa décrit ainsi ce type de changement:
«À ce point, tout ce qui est expérimenté dans la vie quotidienne à travers la perception sensorielle est une expérience nue, car elle est directe. Il n'y a pas de voile entre [vous] et ça. .... Le Tantra n'apprend pas à réprimer ni à détruire une énergie mais à la transmuter; en d'autres termes, à s'accorder avec la forme d'énergie... Quand [vous] allez de pair avec l'énergie, l'expérience devient alors très créative... Vous réalisez que vous n'avez plus à abandonner quoi que ce soit. Vous commencez à voir les qualités de sagesse, sous-jacentes à la situation de votre vie... Si vous êtes très impliqué dans une émotion comme la colère, alors, en ayant une vision soudaine, momentanée, d’ouverture... vous commencez à voir que vous n'avez pas à refouler votre énergie... mais que vous pouvez transformer votre agressivité en énergie dynamique...
Si nous sentons réellement la qualité vivante, la texture des émotions telles qu'elles sont dans leur nudité, cette expérience contient alors la vérité ultime... Nous découvrons que l'émotion en fait n'existe pas telle qu'elle apparaît mais qu'elle contient beaucoup de sagesse et d'espace ouvert... Le processus de... transmutation des émotions se met ensuite en place automatiquement.

Il n'y a ici aucun effort délibéré de transmuer les émotions; plus précisément, la transmutation se produit spontanément en s'ouvrant totalement à ces émotions.

Chôgyam Trungpa rajoute : «Vous ressentez un bouleversement émotionnel tel qu'il est, mais... devenez un avec lui... Soyez dans l'émotion, traversez la, abandonnez-vous à elle, faites-en l'expérience. Vous commencez à aller vers l'émotion, au lieu de simplement ressentir l'émotion venir vers vous... Les énergies les plus puissantes deviennent alors parfaitement utilisables... Tout ce qui advient dans l'esprit samsarique est considéré comme le chemin; tout est utilisable. C'est une proclamation intrépide - le rugissement du lion».


John Welwood -Pour une Psychologie de l'Eveil - Editions La Table Ronde




dimanche 21 septembre 2008




Au cœur de la conscience, le silence nous écoute
A la source est le mystère.
Je le contemple et me laisse faire.



Sri Nisargadatta - Etre, sans le "ceci ou cela"

Sri Nisargadatta est un maître indu (1897 - 1981) qui tout au long de son enseignement sous forme d'entretiens revient à l'origine du questionnement : "Qui suis-je ?"

www.nisagardatta.net


Vous ne pouvez pas dire que vous êtes ce que vous pensez être! Vos idées à votre sujet changent de jour en jour et d'instant en instant. Votre image, de vous-même est la chose la plus changeante que vous ayez. Elle est éminemment vulnérable, à la merci du premier passant. Un deuil, la perte d'une situation, une insulte et cette image de vous que vous appelez votre personne, change profondément.
Pour savoir ce que vous êtes vous devez d'abord rechercher et connaître ce que vous n'êtes pas. Et pour savoir ce que vous n'êtes pas vous devez vous observer soigneusement, vous devez rejeter tout ce qui n'est pas en accord avec le fait fondamental : « Je suis ».
Ces idées « Je suis né à telle heure, à tel endroit, de mes parents et maintenant je suis celui-ci ou celui-là, vivant à...., marié à .... , père de ...., employé par .... etc » n'appartiennent pas à « je suis ». Notre attitude habituelle est « je suis ceci ». Séparez, avec esprit de suite et persévérance, le « je suis » de « ceci » et essayez de sentir ce que signifie être, simplement être, sans être « ceci » ou « cela ».
Toutes nos habitudes vont contre cela et, parfois, les combattre est long et difficile, mais une compréhension claire aide beaucoup. Plus vous comprendrez qu'au plan du mental vous ne pouvez être décrit qu’en termes négatifs, plus rapidement vous parviendrez au terme de votre recherche et vous réaliserez votre être illimité.

Sri Nisargadatta - "Je suis" - Editions Les Deux Océans


vendredi 19 septembre 2008



Cette rosée au cœur de chaque cellule ...
Recueille là !
Son frémissement infime et continu est notre nature propre.
Sans limite,
de même essence et de même nature que tout ce qui vit, plus de séparation.
Dans la danse, plus d’identité séparée, tout est lié,
tout est image et reflet à l’infini.

Daniel Odier

Jacques Ferber - Qu’est ce que la présence ?

Jacques Ferber est l'auteur de "L'amant tantrique : l"homme sur la voie de la sexualité sacrée" (Editions du Souffle d'Or). Son blog regroupe des textes traitant de la sexualité et tout particulièrement dans sa relation au sacré, au sexe et à l'amour comme voie d'accès au divin et au développement de l'Etre. Sa démarche tantrique l'a amené à reconnaître sa puissance et à l'ouvrir à toute la dimension intérieure du féminin, créant en lui ce couple intérieur, espace d'un nouveau relationnel d'amour et d'authenticité, différent des conditionnements ordinaires. Il parle ici de la qualité de présence dans la relation d'amour.

www.sexespi.com



Ce qu’on appelle présence, c’est cette attitude intérieure qui fait que l’on est totalement à ce que l’on fait, que l’on est totalement investi dans son action, sans qu’il y ait de réflexions ou de jugements qui viennent interférer ou se mettre entre soi et son acte. Cela nous met dans l’instant présent, car le mental, au travers des réflexions et des jugements nous place toujours dans le passé ou l’avenir. Vouloir quelque chose de précis c’est se mettre dans une attente d’un moment futur à venir. Etre présent à soi et à l’autre, c’est au contraire ne rien «vouloir», en se laissant guider par son ressenti profond, par ce qui vient naturellement du fond de l’être..

Pour un homme, être dans la présence passe par deux composantes fondamentales : se sentir bien dans sa virilité, dans sa masculinité d’une part, et être en relation avec l’autre. En couple, cela signifie être à la fois très centré dans son bassin, être «dans ses couilles» comme on dit, et en même temps savoir accueillir ce qui vient, savoir ressentir l’état de son partenaire dans ses mains et son corps. Il n’y a rien qui coupe plus une femme de l’amour que de sentir que l’homme n’est pas là, pas présent à elle. Même si beaucoup de femmes en ont pris leur parti, ce manque de présence de l’homme, malheureusement si courant à cause des peurs et des projections qui l’habitent, est ce qui les fane, les terni, leur enlève leur accès à l’amour et à la Vie dans son caractère lumineux.

Le gros écueil quand on fait l’amour, c’est de partir sur des rails alimentés par le mental. On se retrouve à penser «je vais faire ça parce qu’elle va aimer, si je lui caresse cette zone, alors elle va jouir». On se comporte alors en tant que «grand machiniste», on essaye de contrôler la «machine femme» en appuyant sur les bons boutons, en essayant que nos caresses produisent un certain effet.
D’autre part, on peut être aussi perturbé par des pensées liées à nos performances : «est ce que je serais à la hauteur, est ce que je vais partir trop vite, est ce que je vais avoir une belle érection».
Tout cela nous éloigne de la femme. Cet enfermement dans nos objectifs et nos pensées nous coupe d’elle, et nous coupe de notre ressenti. Nous ne sommes plus présent à elle. La femme le sent : elle ne s’ouvre plus, elle ne rayonne plus, comme une fleur qui se referme sur elle-même. On essaye encore plus d’appuyer sur les bons boutons, mais la magie n’opère plus. On entre dans un cercle vicieux qui nous coupe de la Vie, et du réel Désir.

D’abord bien comprendre qu’un bon amant n’est pas un homme performant, mais un homme présent à soi et à l’autre, ancré dans le sol, bien dans son sexe et à l’écoute de sa compagne. Pour développer cette présence, le plus facile (en tout cas, ce qui a été décisif pour moi), c’est d’être présent dans la caresse. Etre présent dans une caresse, c’est être tout entier dans ses doigts, comme si les doigts étaient animés d’une vie propre. Notre esprit se place dans les doigts, dans le ressenti des doigts, comme si nous n’étions plus que nos mains. Puis en se connectant à son cœur ou à son sexe (il s’agit de deux énergies différentes), on laisse les mains vivre leur vie propre, aller où elles se sentent bien. Elles trouvent alors naturellement le chemin de la relation.

Il en est de même quand on danse un slow ou une danse de proximité (valse, tango, etc.) avec une femme. Il suffit parfois de poser ses mains sur les hanches de la femmes ou sur ses reins, tout en étant bien ancré dans sa puissance, pour trouver immédiatement la connexion. Et cette connexion est elle-même la preuve de cette présence de l’homme.

Pour la femme, le problème de la présence se pose différemment, car il s'agit ici d'abandon. Si elle est bien avec sa sexualité, si elle n’est pas coupée de son corps, si elle n'a pas peur (et donc s'il n'y a pas de traumatisme liés à un abus quelconque), elle peut entrer naturellement dans cette présence à elle-même qui est un mouvement d’abandon et de rayonnement. Plus la femme s’ouvre et s’abandonne aux caresses de son partenaire, plus elle rayonne, et plus elle touche l’homme qui voit la beauté de cette femme, qui appréhende la déesse dans sa partenaire. Son cœur s’ouvre alors au divin et tous les deux entrent dans la danse de l’amour, union des corps et des âmes, incandescence des désirs, célébration de la Vie.
Néanmoins, on voit que le problème réside avant tout pour la femme à pouvoir s'abandonner en confiance. Mais s'abandonner n'est pas se laisser faire : c'est un mouvement d'accueil en conscience qui n'a rien de passif..



dimanche 14 septembre 2008


Avec Toi, je me vois mieux,
tu me rappelles à moi-même.

Mayah Baty - L'Une



Paule Salomon - Révéler le délice de l'existence...

Dans ce livre, Paule Salomon expose, entre autre, comment l'homme d'aujourd'hui a la possibilité d'être aussi réceptif qu'actif, de conjuguer force et douceur, de renouer avec la part féminine de son être et d'explorer son intériorité. Cet extrait nous parle de la qualité de présence de la femme réalisée dans cette conquête de lui même.

www.paulesalomon.org


Les hommes transformés aiment les femmes réalisées et non pas infantilisées, ils n'ont pas peur d'elles, ils s'en nourrissent visiblement comme d'un nectar. Il faut dire à quel point le rayonnement d'une femme et son parcours d'authenticité vers elle-même touchent un homme et l'inspirent. Une autre face d'Eros, moins physique et plus spirituelle, se révèle.
Une femme entière, une femme reliée soulève un homme et lui permet de rejoindre en lui ce qu'on pourrait appeler le divin. Tel est bien le rôle de la shakti orientale : donner accès, révéler le délice de l'existence. L'homme alors place le féminin volontairement au-dessus de lui-même pour qu'elle soit le canal de son inspiration. Dans un mouvement d'intériorisation il permet à son propre visage féminin intérieur de guider son masculin et, dans sa vie, il fera bientôt passer les valeurs d'humanité avant les valeurs de consommation et d'accumulation. Un va-et-vient entre l'extérieur et l'intérieur, entre la femme extérieure et la femme intérieure trace progressivement le sillon d'une nouvelle confiance en soi.
Plus les femmes avancent vers elles-mêmes, et plus les hommes les aiment. Plus ils les regardent, et plus ils se laissent en quelque sorte pénétrer par elles. Le processus s'inverse dans le domaine psychique. C'est le féminin de l'existence qui féconde les hommes et les transforme. La belle histoire, la plus belle histoire du monde se joue dans ces fécondations réciproques. Rien n'importe plus à un homme que de se laisser toucher de l'intérieur, de sentir son âme palpiter. La poésie des femmes, dans leurs gestes, leurs raffinements, leur comportement, leur écriture, redonne à l'homme le sens de l'origine et de la vie.


Paule Salomon - Les hommes se transforment - Editions Albin Michel



mardi 9 septembre 2008



Francis Lucille - S'abandonner à la présence silencieuse


www.francislucille.com



Abandonner l’esprit, le corps et le monde, d’instant en instant, à la présence silencieuse dans laquelle ils apparaissent.

Vous êtes la Conscience à chaque instant. Le seul moment où vous croyez ne pas l’être, c’est lorsque l’acteur, celui qui désire, surgit. Il se manifeste comme une pensée, une sensation corporelle, une résistance, un «je ne veux pas cette sensation» ou «ce n’est pas ainsi que les choses devraient être».

Dans les moments de situations tranquilles, la grâce rend toute chose aisée. Rien ne nous attire ou ne nous repousse. Le monde est abandonné. Le chant des oiseaux, le bruit de la circulation, les odeurs ou la température de l’air que nous respirons, quelle que soit la chose que nous vivons sur le moment, tout va et vient librement, sans déclencher la moindre réaction, sans créer aucune vague.
… La seule chose que nous ayons à faire est de transposer cette façon naturelle de vivre le monde, dans le domaine des pensées et des sensations corporelles.

Il nous suffit d’accueillir les pensées et les sensations corporelles de la même façon que nous accueillons le chant des oiseaux, le bruit de la circulation ou toute autre chose dont nous faisons l’expérience. Lorsque le chant des oiseaux ou tout autre événement est présent, cela est simplement présent. Nous n’intervenons plus face à ce qui manifeste. Nous ne faisons rien pour que cela apparaisse, pour que cela se maintienne, ou pour que cela disparaisse.

Le même principe est vrai pour nos pensées et nos sensations corporelles. Il n’y a pas d’attachement. N’adhérez à rien ! Le chant des oiseaux, le bruit de la circulation, nos pensées et nos ressentis, sont comme les éléments du rêve. D’un certain point de vue, ce sont des non-événements car ils ne provoquent aucune activité en nous. Evidemment, si la situation exige une réponse, nous répondons alors de façon appropriée à partir de cette perspective non impliquée ; mais aucune trace ne subsiste après la réponse qui pourrait susciter de nouvelles pensées ou de nouveaux ressentis. Nous revenons à l’ouverture, prêt à accueillir la prochaine manifestation, quelle qu’elle puisse être. »

lundi 1 septembre 2008

Cyprian Smith - Entrer dans le fond de l'âme ...

Le livre dont est extrait ce texte retrace la pensée de Maître Eckhart. Ce passage nous parle du "Qui suis je?" et du processus différencié entre le Moi-Ego (l'identité) et le Soi-Conscience (le fond de l'âme).


Si j'observe quelque chose, je dois être différent et distinct de ce que j'observe. Le fait d'avoir la possibilité d'observer mes pensées signifie qu'elles sont différentes de moi. Je ne les suis pas. En fait je ne suis aucune de ces choses que j'ai l'habitude de considérer comme moi-même. Je ne suis pas mon corps, pas mon esprit, ni mes émotions, et je ne suis pas non plus toutes ces choses ensemble. Alors qui suis je ? Qui c'est, «moi» ?
Il y a quelque chose en moi qui est toujours parfaitement détaché, tranquille et serein ; quelque chose qui n'est jamais irrité par quoi que ce soit, jamais abattu ru accablé ; qui est comme un lac profond et peut-être sans fond. Mes différentes pensées et émotions sont des vagues à sa surface. Mais, sous la surface, dans les profondeurs, il n'y a aucun remous. Tout y est calme. Y vivent d'étranges poissons et des arbustes légers comme une plume. Lorsque la turbulence de la surface a disparu, l'eau devient claire ; et nous pouvons voir dans les profondeurs et nous rendre compte de ce qui y vit. Mais cela même n'est pas le lac. Et ce n'est pas «moi». Mon moi est ce qui contient tout cela ; comme une eau tranquille, calme ou ondulée, douce ou salée, qui est remplie de poissons ou qui n'en contient pas.
Nous devenons conscients du vrai moi permanent lorsque nous sommes détachés des diverses projections ou activités qui ne sont pas nous-mêmes, mais seulement les choses que nous faisons ou les fonctions que nous remplissons. Avant de devenir conscients de notre moi permanent, nous sommes tyrannisés par nos pensées et par nos émotions. Et comment pourrions-nous l'éviter puisque nous n'avons ni havre ni refuge face à elles ? En effet, nous nous identifions à nos pensées et à nos émotions. Cela désorganise et morcelle nos vies, car nous avons un moi différent selon nos humeurs et nos activités du moment. Je suis une certaine personne quand je mange, j'en suis une autre quand je me promène, une autre quand je travaille, et encore une autre quand je parle avec ma femme. Il n'y a là rien qui puisse conférer une unité ou une continuité à mon identité, rien qui puisse lui donner une cohérence ou la contenir en un tout. Je n'ai pas un seul moi, mais une série de moi différents, qui sont parfois même en conflit les uns avec les autres.
Lorsque Eckhart en parle, il dit que c'est comme être perdu dans «la multiplicité» et dans des «images étrangères». C'est un état d'ignorance dans lequel nous nous trouvons réellement. Nous sommes entièrement conditionnés et déterminés par des influences venant du dehors, ce qui signifie que nous sommes incapables de faire quoi que ce soit, car il n'y a pas en nous de moi capable de faire quelque chose. Ce que nous tenons pour notre «action» n'est qu'une réaction à des stimulations extérieures et à des conditionnements, comme cela se passe pour un robot ou pour un automate. Car l'action, dans son sens véritable, n'est possible que pour quelqu'un qui a pénétré dans le vrai moi, dans le fond de l'âme, et qui a appris à agir à partir de ce centre.
Ainsi nous ne sommes pas réels, nous ne sommes pas des moi unifiés, et nous ne sommes pas capables d'une action authentique, avant d'avoir appris à entrer dans notre fond. Une action authentique n'est jamais déterminée de l'extérieur ; elle surgit avec spontanéité et librement du dedans. Partant de là, on perçoit aisément que le fond de l'âme est, à un très haut degré, détaché de notre monde quotidien et de ce que nous considérons habituellement comme notre «identité» et notre «vie». Il est élevé au-dessus d'elles, dit Eckhart, comme le ciel est élevé au-dessus de la terre. Rien de terrestre ne peut le toucher réellement. Il transcende l'espace et le temps. Celui qui entre dans le fond de l'âme ne se soucie plus ni du passé ni du futur. Il n'est conscient que de l'instant présent ; et l'instant présent est pénétré de la lumière divine, car c'est dans le présent, et seulement dans le présent, que le monde du temps touche au monde de l'éternité.


Cyprian Smith - Un chemin de paradoxe, la vie spirituelle selon Maître Eckhart - Cerf Editions