mardi 29 juillet 2008

Aimer désespérément...

Dans ce recueil d'entretiens questionnant L'Amour,

André Comte-Sponville en évoque le gai désespoir (non pas le désespoir mélancolique mais le non-espoir) : ... L'absence de tout espoir offre à l'amour l'espace de liberté ; aimer désespérément serait le secret sans cesse vivant, sans attente, sans présupposé, sans exigence, dans une sorte de gratuité de l'acte d'aimer ...
... Le seul mot vrai de sagesse c'est "oui" ; le seul oui absolument complet, c'est l'amour. Il n'y a pas d'autre façon de dire oui au réel, en tout cas de façon plus complète et plus satisfaisante que de l'aimer tel qu'il est. C'est le oui joyeux. Aimer c'est se réjouir ; dire oui à ce qui est c'est être du côté de l'amour...

Et plus loin, Marie de Solemne poursuit : ... Aimer c'est donc aimer l'autre non le transparent mais l'opaque, l'énigmatique, l'insaisissable que l'on aura jamais fini d'explorer. Explorer et non coloniser. L'amour qui commence comme une aventure ne devrait jamais cesser de l'être ; accueil sans attente, sans image, accueil de l'inattendu...

Et n'est ce pas avant tout avec soi-même ; ce gai désespoir et ce oui de réjouissance, cette exploration et cet accueil de l'inattendu ? ...

Collectif Espaces Libres : "Aimer désespérément "- Albin Michel


lundi 21 juillet 2008

Françis Lucille - Un maître spirituel ...

Françis Lucille est enseignant spirituel issue des traditions védantiques et bouddhistes. Disciple de Jean Klein, la perspective non-duelle de la réalité est le coeur de sa pratique et de sa transmission sous forme d'entretiens. Il évoque dans ce passage les deux attitudes possibles quant à la recherche d'un maitre spirituel.

www.francislucille.com

Tant que vous croyez être une entité personnelle, vous avez le choix entre deux attitudes : ou bien vous souhaitez être aidé dans votre recherche, ou bien vous voulez découvrir la vérité par vous-même et ne désirez pas suivre un enseignant. Même si un ami vous aide sur la voie, vous devrez à tout le moins compléter le travail par vous-même. C'est pourquoi un enseignant digne de ce nom ne mâche pas le travail de son élève, mais lui donne des esquisses à compléter, à comprendre par lui-même. Ce principe universel s'applique à tous les types d'enseignement, enseignement spirituel inclus.

Quelle que soit celle de ces deux attitudes que vous adoptiez, vous êtes sur la bonne voie, dans le premier cas parce que le désir de trouver un maître spirituel vient d'un profond désir du soi, et dans le second cas parce que vous éprouvez un désir d'autonomie, de comprendre par vous-même, qui provient de votre autonomie et de votre intelligence foncières.
Si vous n'éprouvez pas le désir de trouver un maître, n'en ayez aucun souci. Chaque chose, chaque rencontre, chaque évènement de votre vie est votre maître. À un certain moment, vous êtes touché par des mots, lus ou entendus, ou par un être rencontré et vous vous ouvrez à la possibilité de vivre libre de la notion d'être une personne, de vivre sciemment dans la joie et la liberté de l'être.

Après une première ouverture, il arrive parfois que vous soyez assailli par le doute. Dans ce cas, vous voudrez peut-être rencontrer un être qui vit dans cette liberté. C'était dans cet esprit que j'entrepris de trouver un enseignant dans ma jeunesse, et je ne l'ai jamais regretté. Il se peut également que vous ayez des questions pour lesquelles vous souhaitez une réponse. Nous paraissons avoir beaucoup de raisons pour rencontrer un maître, mais en fait il n'y en a qu'une : se rencontrer soi-même. Vous êtes à la recherche de votre soi véritable, qui n'est pas limité à ce corps et ce mental. Votre soi est immense, splendide et immortel. Soyez ouvert à cette possibilité, soyez ouvert à la toute possibilité.

Françis Lucille - Le sens des choses - Editions Accarias l'Originel



samedi 19 juillet 2008



"La solution à un problème humain
ne s'effectue jamais
par une réponse à la question pourquoi"







François Roustang - Le sentir propre au vivant...

François Roustang est psychanalyste et hypnothérapeute. L'axe de sa relation thérapeutique est basé sur un état de "transe" où le laisser advenir tant du côté du patient que du thérapeute, trouve une place privilégiée dans le processus.


Il est facile de comprendre pourquoi ce sentir propre au vivant est le lieu de la modification. On peut le montrer de plusieurs façons. Lorsqu'on supprime le contrôle de la conscience et de l'intellect, on laisse libre cours non pas à l'inconscient, mais à une sensorialité qui ébranle la fixité de notre appréhension habituelle des choses et des êtres. Le mal-être, quelle que soit sa forme, relève toujours de la rigidité et de l'étroitesse. Or ce sentir se caractérise par une circulation incessante, une mise en communication et en correspondance. En d'autres termes, si nous allons mal, c'est que nous ne voyons pas, que nous n'entendons pas, que nous ne sentons pas. En nous immergeant dans le sentir sans réflexion, nous réapprenons la finesse et la perspicacité du sentir.
La solution de nos problèmes se trouve au-dehors, dans une appréhension nouvelle de notre situation. Pour cela, il s'agit de laisser venir à nous tout ce qui est alentour. Ce sentir propre au vivant est d'abord un laisser se mélanger toutes les données et ensuite une attente que tout retrouve sa place. Cela a lieu parce que le sentir est celui d'un vivant et donc d'un organisme qui, bouleversé un instant, revient à son point d'équilibre. Notre situation dans l'existence dépend de trop de facteurs pour que nous soyons capables de les appréhender par un effort d’intelligence explicite. Celle-ci est toujours d’une manière ou d'une autre, trop unilatérale. La sensorialité première, logiquement antérieure à celle que nous connaissons en dehors de la transe, tient compte à la fois de tous les éléments capable d'aboutir à une refonte de notre position actuelle...


François Roustang - Savoir attendre - Editions Odile Jacob Poche


mardi 15 juillet 2008

Françis Lucille - Peur et Désir


www.francislucille.com

Parce que la peur est la personne et que la personne est la peur. Peur et désir sont une seule et même chose. Car une peur peut être exprimée en termes de désir et inversement. Par exemple, dire «je désire que tel événement se produise» revient à dire «je crains que tel événement ne se reproduise pas». L'ego en tant que tel, la pure pensée «Je», ne peut pas se maintenir ; elle se résorbe immédiatement dans sa source, la conscience.
Le mécanisme peur-désir permet de prêter à l'ego un faux-semblant de continuité. Tant que je vis dans l'attente de l'évènement souhaité ou craint, la personne qui attend se maintient en vie. Il en résulte que le seul remède contre l'ego, qui est par la même occasion un remède contre la peur et le désir, est la compréhension que nous ne sommes pas cet ego soumis à la peur et au désir.
Celle compréhension est le résultat d'une enquête en profondeur. Arriver à la clarté intellectuelle sur ce point est déjà un premier pas important, mais cette compréhension doit pénétrer plus profondément, parce que peur et désir ont un profond impact sur la structure et la texture corporelles. Lorsque nous ressentons la peur, nous devons l'accueillir complètement, sur tous les plans. Nous devons en voir la source, la notion d'être une entité personnelle, mais nous devons aussi la sentir corporellement. Nous ne devrions pas être effrayés d'elle. Nous devrions la laisser se déployer librement en nous afin de la voir pour ce qu'elle est en réalité : une série de sensations corporelles avec lesquelles nous nous identifions inconsciemment.

Francis Lucille "Le sens des choses". Editions Accarias L'Originel



dimanche 6 juillet 2008



Hommage à l'instant présent partagé




L'Amitié Amoureuse ...



L’amitié c’est une très belle chose, infiniment précieuse. Elle implique un échange assez profond et une confiance mutuelle partagée. Elle peut perdurer à travers tous les aléas de la vie, mais elle connaît nécessairement des moments où son intensité, les rapprochements qu’elle induit sont plus ou moins fréquents, plus ou moins riches. Elle peut aussi bien sûr s’étioler ou s’éteindre mais quoiqu’il en soit elle s’inscrit dans une temporalité au minimum assez longue.

L’amitié peut s’enrichir de tendresse partagée, de contacts plus ou moins poussés, plus ou moins accomplis entre les corps, s’auréoler de ce plaisir qu’on appelle à la légère physique comme disait une grande dame, bref se parer de tout ce qui peut la faire qualifier d’amoureuse.

C’est une amitié comme une autre mais qui comporte ce plus (et quel beau plus !) d’impliquer les personnes dans leur entier, sans les saucissonner comme le fait trop notre culture judéo-chrétienne entre l’âme noble et le corps méprisé.

C’est une amitié qui ne peut fonctionner qu’en se pensant sans exclusivisme, sans attente démesurée, dans le respect de l’autre et des liens auxquels chacun est attaché par ailleurs, favorisée par un minimum de distance et un contexte qui ne saurait être celui du quotidien. Elle n’est pas passionnée, certains pourrait penser que de ce fait elle n’est que tiédeur, qu’elle n’en vaut pas la peine. Ils auraient bien tort. Enfin peut-être est-elle le privilège d’adultes mûrs affectivement (enfin, à peu près, qui l’est jamais tout à fait !).

Oui peut-être n’est-elle concevable qu’à une certaine étape de la vie, quand les passions de tous ordres se sont au moins en partie émoussées, il y a moins d’exaltation certes mais moins aussi de déconvenues cruelles, oui elle est un privilège de la belle maturité, il nous en faut bien quelques uns de privilèges à nous jeunes croulants qui ne le sont pas encore trop…

Si nous la rencontrons, l’amitié amoureuse, sachons en jouir.

Texte consulté sur le blog : http://valclair.canalblog.com

jeudi 3 juillet 2008




Il ne faut pas se méprendre sur la signification véritable de cette acceptation, de cet abandon à la vie. Ce n’est en rien la résignation du fainéant ou le fatalisme du lâche qui tous deux naissent du mental. L’acceptation réelle provient de la compréhension de son inexistence.
L’acceptation signifie ne plus vouloir se changer soi-même, ni les autres, ni le monde. L'homme s’abandonne à la vie telle quelle est, sans aucun désir de modifier quoi que ce soit.
Le «Je» a pris conscience de sa totale impuissance et il l’accepte, c’est ce qu’on appelle l’humilité véritable. Cette humilité ne naît pas d’un rabaissement du «Je», mais de la compréhension de la non-existence du «Je».


Texte trouvé sur le blog http://hervecortina.unblog.fr


Sri Nisagardatta - Acceptation et présence



Qu'y a-t-il de mal à chercher l'agréable et se détourner du désagréable? La rivière de la vie coule entre les rives de la souffrance et du plaisir. Il n'y a de problème que si le mental refuse de couler avec la vie et reste cloué aux rives. Ce que j'entends par couler avec la vie, c'est l'acceptation, laisser venir ce qui vient et laisser aller ce qui va. Ne désirez pas, n'ayez pas peur, observez le présent tel qu'il est et quand il arrive, car vous n'êtes pas ce qui arrive, mais celui à qui ça arrive. Et au fond, vous n'êtes même pas l'observateur. Vous êtes la potentialité ultime dont la conscience qui embrasse tout est la manifestation et l'expression.
(...)

Il n'y a rien dans l'événement présent qui le rende différent du passé ou du futur. Car le passé fut réel l'espace d'un instant et le futur le deviendra. Qu'est-ce qui rend le présent si différent? Ma présence, évidemment. Je suis réel parce que je suis toujours maintenant, dans le présent, et ce qui est avec moi, maintenant, participe de ma réalité. Le passé est dans la mémoire, le futur dans l'imagination. Il n'y a rien dans le présent lui-même qui le fasse ressortir comme réel. Ce peut être un fait banal, répétitif, comme le battement d'une horloge. Bien que nous sachions que chaque battement est identique aux autres, le battement présent est entièrement différent du précédent et du suivant, qui sont, eux, remémorés ou attendus. Une chose qui fixe mon attention dans le maintenant m'est présente parce que je suis toujours présent ; c'est ma propre réalité que je communique à l'événement présent.

Entretiens de Sri Nisagardatta, rassemblés dans un livre "JE SUIS" aux Editions Les Deux Océans