mardi 30 juin 2009




Terre! par mmarsupilami




Le poète et la terre

Comment le poète dans sa démarche d'écriture devient un explorateur de lui même...


Le poète aspire à naître et s'engendre par le verbe. Il donne alors son adhésion à la vie. C'est par l'écriture qu'il se construit. Elle est l'instrument d'une métamorphose, d'une difficile autogenèse.

Dans l'univers du poète la plénitude est une difficile conquête jamais définitive.

C'est par le travail de l'écriture qui développe l'acuité, que le poète va descendre en lui-même, devenir le spéléologue, voire l'archéologue de sa propre terre pour tenter de retrouver dans les régions les plus reculées de la mémoire et de l'être la trace de la voie de l'origine. Il se fait explorateur, entreprend des fouilles et part ainsi pour l'aventure intérieure. L'image du séisme traduit cet ébranlement, cette ouverture à soi-même, qui permet la découverte de ses propres profondeurs.

Le poète, tel Orphée, descend dans les entrailles de la terre et, au plus près des secousses telluriques, vit le début d'une indiscernable métamorphose. Cette descente au fond de lui même, de sa terre, le conduit vers le secret des racines.

Pour s'unifier, il faut descendre en soi, s'abîmer. La source, la lueur, sont toujours liées à une descente.


Débarrassé du moi, le poète découvre le centre qui est le neutre ; le masculin et le féminin s’y confondent dans la fusion. Les paroles du poète s’adressent à la mère, à la femme, à la terre.
Souvent la terre l’angoisse comme lorsqu’elle emplit la bouche. Close et obscure alors, elle le laisse sans voix. D’autres fois, elle est marquée d’un sillon, ouverture féminine et ligne inspiratrice à la fois. La terre trace un chemin, propose un accès au rêveur et poète qui cherche en la contemplant la clef de son existence. Elle est alors emplie d’amour. Apprivoisée, elle devient la «déesse-mère» qui s’ouvre et révèle le mystère de la création. La terre est malléable et offre ses fruits à celui qui la travaille et la caresse. De ses entrailles monte une voix qui répond au désir d’amour infini.

Par delà les traces de son histoire personnelle, le poète explorateur entrevoit dans les entrailles de la terre le mystère de l’origine de toute existence. Transformant la langue commune en poème, il accomplit le geste primordial, l’incessant travail qui le fait avancé progressivement dans les profondeurs de sa vie intérieure jusqu’au fond de sa mémoire et de son imaginaire et lui permet de naître à lui même. Il s’enfante et revit.

De sa langue dépouillée et tendue vers l’essentiel, il guide alors tous ceux qui en quête d’eux mêmes recueillent sa parole pour accomplir leur propre chemin.

Entretiens avec Charles Juliet. Editions La passe du vent






mercredi 24 juin 2009


.... Puissiez-vous faire confiance que vous êtes
exactement là où vous êtes censé être.
Puissiez-vous vous souvenir des possibilités infinies
qui naissent de la foi en soi et les autres.
Puissiez-vous utiliser les dons que vous avez reçus
et transmettre l'amour qui vous a été donné.

Que cette connaissance s'installe dans votre corps
et permette à votre âme la liberté de chanter,
danser, de louanger et d'aimer.
Elle est là pour tous et chacun de nous.....




dimanche 21 juin 2009

Lou Andréas-Salomé - L'amour, dans le secret de notre âme, pour l'éveiller

Cet extrait est écrit en 1900 par Lou Andréas-Salomé, personnalité riche, indépendante et généreuse dans ses réflexions, sa pensée, sa sensibilité.


.... Car l'amour est autant ce qui rôde en nous de plus physique que ce que nous avons de plus spirituel, de plus désincarné, du moins en apparence. Il s'attache complètement au corps, mais saisit complètement en lui un symbole, une image de la totalité de l'être humain et de tout ce qui se faufile en nous par la porte des sens, et s'insinue dans le secret de notre âme, pour l'éveiller.

Éternellement rester étrangers l'un à l'autre, tout en restant éternellement proches : c'est donc la loi de tout amour, le caractère qui lui est imposé, et qui ne s'en retire jamais : car ce n'est pas seulement dans ce cas extrême, que nous avons déjà mentionné, ni non plus dans le mépris, ou dans l'amour non partagé, mais partout où des êtres humains aiment, que l'un se borne à frôler très légèrement l'autre, puis l'abandonne à lui-même.

C'est toujours une étoile inaccessible que nous aimons, et chaque amour est toujours, en son essence intime, une tragédie, - mais qui ne peut produire qu'en cette qualité ses effets immenses et féconds. On ne peut descendre si profondément en soi-même, on ne peut puiser au tréfonds de la vie, là où toutes les forces reposent encore enlacées, tous les contraires encore indifférenciés, sans ressentir aussi en soi-même le bonheur et les tourments, dans leur connexion mystérieuse.

Car ce qui s'y produit en l'homme n'est pas seulement situé par-delà toutes les partialités et toutes les scissions de l'égoïsme ou de l'abnégation de soi, du sensuel ou du spirituel, mais aussi par-delà ce bien-être minutieusement, péniblement enclos que nous tentons, durant notre vie entière, de protéger de toute souffrance, comme de notre pire ennemi. Un seul homme sait que bonheur et tourments ne font qu'un, dans toutes les expériences les plus intenses, tous les moments féconds de notre vie.


Mais bien avant lui un humain en proie à l'amour a tendu, suppliant, ses mains vers une étoile, sans demander si c'était du plaisir ou de la douleur qu'il implorait d'elle...


Lou Andréas-Salomé - Eros - Les Editions de Minuit




vendredi 19 juin 2009

Karlfried Dürckheim - Les sources d'un renouvellement du Moi...

Karlfried Dürckheim évoque dans ce passage l'amour, l'érotisme et la sexualité.



Quel que soit le contexte dans lequel on parle d'amour, il y a toujours la situation suivante : on se sent en séparation avec quelque chose ou quelqu'un avec lequel pourtant on se sent un dans sa profondeur.

L'amour est toujours cette ambiance d'une union et cette poussée vers une union véritable. Dans la mesure où vous êtes capable de vous débarrasser de toutes sortes de choses accessoires, vous entrez de plus en plus dans la Réalité du grand Un. Entrant là dedans, vous entrez en méditation dans un contact universel. Vous ne vous demandez plus alors l'amour «avec qui ?» car c’est un contact avec le «Tout», contact qu’on peut aussi appeler l’Amour.

L'amour est ce quelque chose qui vous embrase, qui vous nettoie, vous donne de la chaleur, qui vous met à l'abri. C'est la découverte de ce que vous ne faites plus par vous-même mais qui vient vers vous. C'est la découverte de bras qui vous embrassent d’une telle façon que vous êtes vous-même capable d'embrasser. C'est cela qui s'ouvre là. Et ce n'est pas le petit «bien faire». C'est l'amour en tant qu'état et non en tant qu'addition de choses que l'on sent bien.

Dans un monastère au Japon, il y avait un maître zen qui passait toute la journée à travers son monastère. Il rendait visite à tout le monde et aussi au cuisinier qui était communiste. Et ce communiste lui dit : «Maître, croyez moi, je ne pense pas du tout à moi. Je pense aux autres. Toujours, en préparant les repas, je me dis qu'il faut que ce soit bien, pour qu'ils aiment ça. Je pense aux autres.» Et un beau jour, il a le courage de demander au maître : «Et vous, maître, à quoi pensez-vous toute la journée? Moi? Mais je ne pense qu'à moi.»
Croyez-moi, ce n'est pas de son ego qu'il parle. Il pense à ce que, lui, il est au fond. Ce que nous sommes tous au fond : une seule chose, une Essence, qui, dès qu'elle nous touche, nous rend chacun capable d'en témoigner à sa façon.

L'amour veut dire que deux deviennent un. C'est toujours la réconciliation de deux pôles. Mais justement si c'est une relation profonde, cette union a comme sens que chacun des deux sort de l'union en étant un peu plus lui-même et gagne en profondeur dans son Moi essentiel. Mais dès que les deux «collent», alors c'en est fini avec la possibilité de développement. Il faut toujours à travers l'union retrouver un Moi plus profond. Le Moi se mêle à l'autre, dans cette union juste qui s'enfante, pour ainsi dire dans une nouvelle personnalité. Grâce à l'amour, l'être devient de plus en plus lui-même. Mais nous connaissons des couples qui sont tellement collés l'un à l'autre que leur développement est en danger, en tant que personne. L'amour doit donner la chance à chacun de devenir de plus en plus lui-même.

La sexualité, c'est le fait que la dualité entre deux personnes soit dépassée, dans l'acte sexuel justement. L'un se fond dans l'autre. Pour un moment, deux ne font plus qu'un. Si la sexualité apporte le fruit qu'elle peut apporter, chacun peut ressentir une grande profondeur. Il y a disparition du moi existentiel dans une réalité qui dépasse l'homme dans son ego. Alors se fondre dans la profondeur de l'acte sexuel peut être la source d'un renouvellement du moi. On n'est plus le même si on a eu le courage de s'éteindre totalement dans l'autre.

Ce qui est beaucoup plus difficile pour l'homme que pour la femme. La femme a le problème de pouvoir s'ouvrir et de pouvoir se lâcher. Pour l'homme c'est le problème de dépasser sa conscience objectivante, c'est-à-dire celle qui fait de l'autre un objet. Il y a très peu d'hommes qui sont capables d'éviter de faire de la femme, au moment de l'amour, un objet de jouissance. En général, l'homme garde toujours une certaine distance, il ne se perd pas totalement dans l'érotisme et même pas dans la sexualité.

Il faut donc bien différencier l'érotisme et la sexualité au sens de «sensuel». Une caresse très fine peut aider à découvrir une profondeur extraordinaire qui est autre chose que l'intensité d'une expérience sexuelle. Il faut faire la différence entre la profondeur d'un sentiment et son intensité. Souvent on ne les distingue pas. Et c'est ce que je vois chez tant de femmes qui viennent me voir, et qui ont été blessées par un manque de subtilité de la caresse de l'homme. Il y a des femmes qui sont mariées depuis vingt ans et qui n'ont jamais été caressées au propre sens du mot.
Une fois, par exemple, je passe ma main, comme une caresse, sur le visage d'une femme pour lui enlever la peur. Elle me dit alors : «Que faites-vous là? Les hommes vous touchent partout mais jamais ils ne vous caressent le visage».

L'érotisme, c'est la caresse, ce toucher très doux que malheureusement beaucoup d'hommes sont incapables de faire. L'érotisme peut avoir une profondeur en éveillant le corps éthérique, qui dépasse absolument la profondeur de la sexualité. L'acte sexuel peut avoir une grande intensité sans profondeur, tandis que la caresse peut avoir une profondeur extraordinaire sans intensité.


Karlfried Dürckheim - L'esprit guide, entretiens - Editions Albin Michel


lundi 15 juin 2009

Christiane Singer - La vie joue à travers nous ...

Deux extraits de ce très beau texte évoquant une passion d'amour.


« … C'est donné pour quoi faire la vie ?
Mais pour rien, pour rien d'autre que ce qui est ! La vie joue à travers nous. Regarde-la jouer. Comme elle aime à être toi, à habiter tes bras, tes jambes, ta peau soyeuse, à sentir bon dans tes cheveux ! Laisse-la être, laisse-la se plaire en toi et même lorsque le jeu ne sera plus à ton goût, laisse-la, je t'en prie, laisse-la faire. On ne lui échappe pas. Personne ne lui échappe.
Et après un long silence et un sourire furtif : Et pourtant oui, il y a bel et bien une échappée possible. Au lieu de subir ce à quoi on n'échappe pas - moi la vieillesse et les rhumatismes - toi de devenir grande et de me quitter - on peut aussi le choisir ; on peut oser le choisir ! » …

« … J'ai suivi alors ces jeux de miroitements que nous appelons nos vies. Quel étonnant spectacle! Ce que j'ai vu m'a rendu libre et joyeux. Le plus souvent, au lieu de jouir de ce que la vie veuille jouer avec nous, au lieu de lui présenter notre friselis, l'ondulation de notre vague pour qu'elle en fasse chatoyer la surface, nous nous mettons à croire que cela nous le sommes vraiment et devenons les captifs d'un mirage. L'engrenage de la souffrance nous saisit alors. Sur celui qui a cessé de se prendre pour lui-même, la souffrance n'a plus prise. Etrangement, il n'y a, lorsque cette réalité s'est installée, aucun renoncement à accomplir, aucun sacrifice à faire - c'est tout le contraire : quand plus personne ne revendique ce qui arrive, il n'y a que délivrance. Il n'y a qu'expérience radieuse et contemplation » …


Christiane Singer - Seul ce qui brûle - Editions Livre de Poche



vendredi 12 juin 2009



L'amour,
ici et maintenant, dans notre vie,
en découvrir la lumineuse simplicité.
En le posant à l'extérieur de nous, on l'escamote
à le poser loin de nous, on le nie
à en faire un aboutissement, on l'évite
à le définir comme un état,
on oublie qu'il est d'abord attitude intérieure.
Il est.

Il n'est pas à portée de notre regard, il est notre regard
à portée de notre bouche, il est notre bouche
à portée de nos doigts, il est nos doigts
à portée de notre cœur, il est notre cœur.
Tout est là.

Cela suppose l'abandon des exclusivités,
la pertinence d'une vigilance bienveillante,
aimante avec nous même
avant de nous tourner vers l'autre.
Cela inclut l'allégresse
de s'en désaltérer
car il est dans sa nature de couler ;
de s'en réchauffer
car il est dans sa nature de bruler ;
de le faire fleurir
car il est dans sa nature de se déployer.

A nous de l'inventer, sans peur,
de le reconnaitre, sans tremblement.
Il peut sembler se détourner de nous, quelque instant.
Il peut nous paraitre attiré, repoussé.
Il peut nous sembler par moments dévoyé,
nié, bafoué, attisé, déchainé, transcendé, sublimé.

Il peut.

Mais ce n'est que notre regard de l'instant qui le déforme ainsi.
Ce n'est que notre tumulte intérieur qui le voit tumultueux ainsi.
Ce qui est en cause alors, c'est notre regard, notre approche
et non la qualité de l'amour qui s'exprime.

Qu'y a t'il à attendre de l'autre
quand tout est déjà déposé en nous et ne demande qu'à se fructifier ?
C'est parce que notre profondeur les appelle que les rencontres se font.
Nous les disons providentielles ?
Mais ce n'est que la loi de l'âme que de permettre à la personne
de grandir à travers retrouvailles et éloignements.
Tout est à sa place, dans le oui qui se découvre et se déroule
dans le creux du vivant en nous.

Inspiré d'extraits de textes trouvés sur Internet.






vendredi 5 juin 2009



Apocalypto par Jaime F




Jack Kornfield - Ouvrir son coeur


De même qu'on permet au corps de s'ouvrir et qu'on le guérit en percevant ses rythmes et en l'entourant d'une attention profonde et bienveillante, on peut ouvrir et guérir d'autres dimensions de son être.
Le cœur et les émotions connaissent un processus de guérison similaire lorsqu'on leur offre notre attention afin de découvrir leurs rythmes, leur nature, et leurs besoins.

Ouvrir son cœur consiste à s'ouvrir aux souffrances occultées. La plupart du temps, ouvrir son cœur consiste tout d'abord à s'ouvrir aux souffrances occultées que l'on a accumulées pendant toute une vie - Tant les souffrances personnelles que les souffrances universelles de la guerre, de la vieillesse, de la maladie et de la mort. (...)
(...) Le plus souvent, les blessures les plus intimes, le sentiment d'abandon, la douleur sont ressentis comme des larmes retenues. Les bouddhistes parlent d'une mer de larmes humaines plus vaste que les quatre grands océans.

Lorsqu'on prend la place qui est la nôtre et que l'on cultive l'attention méditative, le cœur s'offre tout naturellement à la guérison. Le chagrin des souffrances et des espoirs anéantis, retenu en nous si longtemps, s'exprime alors.
Nous pleurons sur nos traumatismes passés et sur nos peurs présentes, sur toutes les émotions que nous n'avons jamais osé ressentir consciemment.(...)
La souffrance liée à la petite enfance et à la famille, blessures liées au père ou à la mère, la solitude, tout mauvais traitement physique ou sexuel, tout cela est emmagasiné dans notre cœur. (...)
(...) Refus de la réalité, colère, sentiment de perte ou de chagrin, ce travail sur la douleur engendre un profond renouveau.(...)

Extrait du site : http://bica-vipassana.blogspot.com





mercredi 3 juin 2009

Denis Marquet - La peur, ouverture à la grâce de la vie

Denis Marquet est philosophe et écrivain.


On entend souvent dire qu’il faudrait vaincre sa peur. Il est vrai que celle-ci, outre qu’elle est une souffrance, nous empêche d’agir, d’aller au devant des rencontres, de vivre la vie dans sa plénitude. Quel rêve, ne plus avoir peur !

Mais regardons de plus près. Avant d’aborder l’inconnue qu’il désire, l’amoureux est terrifié. Quel est le moyen, pour lui, de ne plus avoir peur ? Celui du grand timide : tourner les talons et fuir ! Loin de la femme qu’il aime, le voilà pleinement rassuré. La peur a disparu avec l’objet de son désir. Jacques Brel, cet immense artiste qui vomissait son trac avant chaque entrée en scène, aurait pu éviter cette pénible expérience : il lui suffisait d’annuler son concert. Mais il aurait alors sacrifié son désir. Ces deux exemples nous signalent un intéressant paradoxe : ce n’est pas la peur qui inhibe - c’est le refus de vivre la peur. Dès lors que je mets tout en œuvre dans ma vie pour ne pas traverser l’expérience de la peur, je renonce également à tous mes vrais désirs. Car c’est le désir qui met en danger ! Désirer, c’est toujours aller vers ce qu’on ne sait pas. Au contraire de la pulsion qui, Freud l’a montré, est régressive et vise le rétablissement.d’un état antérieur, le désir, lui, va de l’avant. Son seul objet est l’inconnu...

... Qu’est-ce que la peur ? Le désir, plus la connaissance. Il y a donc deux manières d’éviter la peur. La première : nier la connaissance. C’est l’attitude de l’inconscient, celui qui met lui-même et les autres en danger parce qu’il rejette hors de sa conscience les réalités du monde, donnant l’apparence d’un courage qui n’est que folle témérité.
La seconde : nier le désir. C’est la recherche effrénée de la sécurité, incitant à tout prévoir, tout planifier, ne vivre que routines et répétitions.
Quête illusoire : tant qu’on n’est pas mort, on n’est jamais complètement en sécurité ! Le meurtre du désir est négation de la vie.

Si l’on veut vivre à la fois la connaissance et le désir, alors ne reste qu’une voie, celle du vrai courage : accepter la peur. Si je me risque dans l’inconnu en toute conscience, je ne peux échapper à celle-ci. Toute vraie rencontre est redoutable : car elle me confronte à une altérité radicale, celle de ce mystère qu’est autrui, que je ne peux posséder, qui m’échappe, et m’incite à me vivre moi-même d’une manière absolument neuve. Bien des êtres croient aimer quand ils ne font qu’entretenir un pacte mutuel de réassurance, en demeurant le même tout en attendant de l’autre qu’il ne change pas, chacun niant en lui-même toute dimension d’altérité, de mystère, de nouveauté. Il n’y a pas d’amour sans insécurité. De même, créer est effrayant, car il s’agit, abandonnant tout savoir sur soi et toute identité, de laisser surgir de soi l’inconnu. Aimer, créer : tout ce qui donne sens à la vie implique de traverser la peur.

La peur est notre amie. Elle nous délivre un précieux message : celui de notre insuffisance. Dans l’amour comme dans la création, je me trouve dans une dimension où ce que je sais, ce que je peux par mes seules forces ne suffisent pas. Ne fuyons pas la peur : c’est elle qui nous ouvre à la grâce !

Denis Marquet - Article de la revue Nouvelles Clefs