L'enseignement de Jean Klein se passait en séminaire avec des temps de pratique corporelle de yoga et des temps de questions-réponses. La semaine qui est évoquée dans cet extrait est celle de février 1989 en Californie.
Cette semaine nous sommes là pour découvrir ensemble ce que fondamentalement nous sommes, pour découvrir notre vraie nature. Et cette investigation requiert une attention vide de toute attente, de toute anticipation ; en quelque sorte, une attention innocente.
Nous ne pouvons jamais découvrir ce que nous sommes, nous pouvons seulement découvrir ce que nous ne sommes pas, parce que nous sommes, en toutes circonstances, ce que nous sommes. Et pour savoir ce que nous ne sommes pas, nous devons découvrir en quoi consiste ce que nous ne sommes pas : notre corps-pensée.
Ce matin nous sommes paisiblement assis ; c'est une méditation sans sujet pour méditer, et sans objet sur quoi méditer. C'est notre tranquillité naturelle. Plus tard dans la matinée, nous ferons l'exploration de notre corps, de ses tensions, de ses peurs, de ses inquiétudes, de son agressivité. Et nous aborderons la compréhension mentale cet après-midi.
L'enseignement repose principalement sur la compréhension, il s'agit plutôt d'être compréhension. Comprendre est le résultat d'une juste observation. C'est une observation ouverte, sans jugement, sans comparaison ni interprétation, une simple observation.
Observer, tout simplement. Nous ne pouvons l'objectiver. Nous ne pouvons la situer dans l'espace, parce qu'elle est hors du temps. Cette faculté d'observation est apparemment une fonction cérébrale naturelle, mais en réalité elle appartient à la totalité du corps. Tout ce qui se passe dans notre tête relève du temps, parce que le temps est une création de la pensée, tandis que l'observation qui émane de la totalité du corps relève, elle, de l'intemporel.
Et quand je parle de compréhension, je veux dire par là que la pensée doit avoir la juste perspective, la juste représentation géométrique de la vérité. La représentation géométrique montre avec précision que ce que nous sommes fondamentalement ne peut jamais être un objet, ne peut jamais être objectivé ni représenté. Nous ne pouvons jamais le penser.
Cela prouve les limites de la pensée. La pensée est le temps, la pensée est une fonction. Le temps est une expression de l'intemporel. Le temps doit cesser pour que puisse vivre l'intemporel.
Et quand la pensée a découvert ses limites, alors nous sommes ouverts à l'intemporel, au présent éternel. Nous ne pouvons jamais penser au présent, nous pouvons seulement être le présent. Quand nous pensons au présent, c'est déjà du passé, et quand nous essayons de penser dans le présent, la pensée ne peut trouver en cet instant-là sa concrétisation. Il se produit alors un lâcher-prise à toute représentation, et nous vivons la présence comme une identité.
Jean Klein - Transmettre la lumière - Editions Le Relié Poche -