mardi 10 juin 2008

Daniel Odier - Instants de présence

Vaste abandon à la présence et au silence, sans objet ...

www.danielodier.com


Les montagnes sont les montagnes, les rivières sont les rivières, la terre, les monts, les fleuves, l'Océan, les étoiles, ne sont autres que votre propre coeur.

Cette perception que la conscience est l'univers nous permet d'être à la fois infini et présent à tous les petits détails de la vie. C'est-à-dire totalement immergé dans la réalité. Nous n'avons pas besoin de nous installer dans une grotte ou dans un monastère car nous contenons tout ce que nous recherchons à l'extérieur. C'est vraiment ça le sens de la pratique : entrer dans cette dynamique créative où nous nous relâchons complètement par rapport à la culpabilité d'être, de faire, de ne pas faire assez, de réussir ou de manquer, de ne pas être ceci ou cela, d'avoir certaines capacités et pas d'autres. Nous nous apercevons peu à peu que toutes ces capacités et toutes ces limites sont illusoires par rapport à notre essence absolue, à notre nature originelle. Dès que nous considérons l'ensemble de notre fonctionnement avec amour, il y a éclosion.

Le tantrisme est une voie où nous apprenons à nous respecter totalement et à regarder à quel point notre fonctionnement merveilleux et notre liberté innée sont entravés par nos croyances, nos peurs, notre espoir, notre vie «spirituelle». En touchant la liberté de temps en temps, tous ces micro-éveils suspendus dans l'espace, entrecoupés de périodes plus ou moins difficiles ou chaotiques, vont se connecter et former un réseau lumineux et spatial qui va cueillir chaque instant en vol.
À partir du moment où ces instants de présence s'inscrivent dans notre vie, nous entrons dans la pratique de Mahâmudrâ alors que nous ne faisons absolument rien pour pratiquer, pour collecter des expériences spirituelles, pour accroître notre capital éveil. Un vague acte de présence se manifeste et Mahâmudrâ se répand partout. Si nous sommes tendu, nous nous faisons violence. La pratique peut alors devenir une réelle agression envers soi-même. Beaucoup de chercheurs, obsédés par l'efficacité, se perdent ainsi. Dès qu'il y a performance cela nous bloque.

La voie est un jeu qui consiste à sentir que la seule chose passionnante dans la vie est ce vaste abandon à l'espace, tout en s'offrant le luxe d'attendre qu'espace et silence se manifestent tout doucement. Lorsque l'espace et le silence se manifestent spontanément, nous sommes à nouveau victime de la frénésie. Au début, ça marche même très bien. Nous progressons vite, puis soudain tout disparaît. Il ne se passe plus rien. Pourquoi? Parce que lorsque l'intensité est excessive nous cessons de jouer. Nous devenons un yogin avec plan de carrière mystique. Nous prévoyons notre éveil dans six mois. Nous nous demandons s'il ne serait pas temps de transmettre. Nous sommes déjà sur une voie de garage. En gardant le ressenti du jeu, nous trouvons la juste mesure. Nous cessons d'en faire trop ou pas assez. Notre manière de pratiquer devient subtile, authentique. De temps en temps, un état émerge et nous le laissons vivre, aller au-delà, se perdre.


Par l'intensité du désir sans objet la contemplation émerge dans le coeur du tântrika uni au frémissement profond.

Daniel Odier - L’incendie du cœur - le Relié Poche