J'avais l'habitude de dire « si c'est possible de lâcher, lâche », et je testais des choses avec ce mantra. J'avais l'habitude de soumettre à cette enquête tout ce qui me venait à l'esprit. Ensuite je testais mes sentiments, me demandant «Qui ressent de cette manière ?» et m'arrêtais sur le silence qui s'ensuivait dans mon esprit.
C'est la pratique de connaissance profonde (vipassanâ). Elle ne dépend d'aucune technique de méditation, c'est seulement une manière d'abandonner notre attachement au moi et au mien, notre esprit avide. Mais nous n'essayons pas de mettre l'esprit en échec.
Nous voulons nous battre avec l'esprit parce qu'il n'est pas comme nous voudrions qu'il soit. Mais nous devrions changer d'attitude. Nous devrions cultiver la bonté envers les pensées qui surgissent dans nos esprits. En essayant de supprimer les pensées ou de leur faire barrage, nous leur donnons plus de pouvoir. Quand nous n'y faisons pas particulièrement attention, elles s'en vont de leur plein gré, quand elles veulent. Cette volonté de supporter ce qui surgit dans l'esprit demande de cultiver une patience sans borne ; quelle merveilleuse qualité à développer !
Certaines pensées sont très collantes. Les pensées persistantes sont celles dont nous voulons le plus nous débarrasser. Ce sont celles qui ont quelque chose à nous apprendre. Nous devrions donc les écouter. Laissons-les être nos enseignants. Quand nous aurons appris ce que nous devons savoir, elles ne nous ennuieront plus à nouveau.
C'est comme si vous conviez vos invités dans une pièce où il y a une seule chaise et que vous êtes assis dessus. Vos invités sont les bienvenus, mais il ne peuvent pas rester longtemps car ils n'ont pas d'endroit où s'asseoir. Quand les gens sont dans l'inconfort, ils se révèlent et vous pouvez les voir comme ils sont vraiment.
Nous ne devrions donc pas lutter contre nos pensées. Sélectionner celles que nous aimons ou que nous n'aimons pas ne fait que nous piéger dans nos préférences, notre monde conditionné. Ce n'est pas la façon de les voir comme elles sont. L'esprit est un réceptacle à pensées. En lui, les pensées surgissent et cessent ; c'est la nature de l'esprit.
Quand vous pratiquez la présence d'esprit, cette pratique du maintenant, vous êtes conscients de tout ce qui surgit dans le moment. Quand les pensées surgissent, vous les laissez demeurer debout jusqu'à ce qu'elles partent. C'est ainsi que vous devriez vous comporter avec vos pensées. Vous ne vous asseyez pas avec une pensée de convoitise ou une pensée de colère. Laissez-les demeurer debout jusqu'à ce qu'elles se révèlent et partent.
Mais ne méprisez pas les pensées, car si vous le faites vous mépriserez l'esprit. C'est dans l'esprit que les connaissances profondes surgissent. L'esprit est le lieu de notre réflexion, là où nous pouvons voir les choses comme elles sont. Nous n'avons pas de meilleur ami que notre esprit.
J'ai entendu des gens dire que ce qu'il veulent faire c'est arrêter l'esprit. Mais ils concentrent l'esprit ici même pour échapper à ce qu'il n'aime pas ici même. Ils s'enfuient. Ils pensent qu'il y a un endroit où ils peuvent se cacher. Mais ils essaient de se cacher dans leur propre maison. De quoi se cachent-ils ? C'est terriblement triste, car ce corps et cet esprit est tout ce qu'ils ont au monde. Ce qu'ils doivent arrêter, c'est l'esprit avide. C'est alors que l'on trouve le vrai bonheur.
Nous habitons un corps, c'est ce qui nous maintient sur terre. Il peut nous causer beaucoup de douleur. La douleur physique contribue à nous rappeler que nous sommes liés à un corps. Elle nous ramène sur terre. C'est un bon endroit pour centrer l'esprit et laisser aller.
De même pour l'agitation (l'in-quiétude). Ce sont nos enseignants. Nous devrions rester avec eux et apprendre. Ne vous précipitez pas hors de la classe avant que le maître ait terminé la leçon. Regardez cette agitation. Ce n'est pas un problème, c'est un professeur magnifique, mais nous devons développer la patience pour rester avec elle.
Pourquoi faisons-nous cela ? Parce que cela nous conduit à la liberté. Quand nous savons ce qu'est l'agitation, nous n'avons pas besoin de la fuir. Quand nous cessons de fuir, l'esprit est complètement calme, à la fois pour le corps et pour l'esprit, quel que soit ce qu'apporte le moment, dans le moment, dans le maintenant.
Et c'est ici que la transformation se produit, ce retournement de ce qui a été si longtemps caché à l'intérieur. Toute notre humanité, vulnérabilité et compassion, repliées à l'intérieur, se tournant vers le monde comme une fleur qui s'épanouit.
Il faut peut-être développer beaucoup de qualités que nous n'avons pas encore. Mais plus que tout nous devons développer cette qualité de confiance. C'est la confiance dans le chemin de la pratique et notre certitude de notre propre capacité de réflexion naturelle pour comprendre ce corps et cet esprit et voir les choses comme elles sont.