Pour ce qui est des grandes expériences je pars, une fois encore, des trois grandes détresses de la vie humaine, la peur de la mort, le désespoir vis-à-vis de l'absurde et la tristesse dans l'isolement.
L'homme confronté à ces situations limites se sent détruit, au bord de l'annihilation. Et c'est là, où l'homme en tant que moi existentiel ne peut plus accepter ce qu'il vit, qu'il a encore la chance de faire l'expérience libératrice de toute angoisse, l'expérience libératrice du désespoir et l'expérience libératrice de la tristesse! C'est là que l'homme, qui est bien plus que son moi existentiel, fait l'expérience de l'Être transcendant et immanent.
Comment arrive-t-il à cette expérience ? Paradoxalement, c’est en acceptant ce qu’en tant que moi existentiel il ne peut pas accepter. C'est en acceptant la mort, en acceptant l'absurde et en acceptant l'isolement qu'il peut faire l'expérience de ce qui est au-delà de son horizon existentiel.
Il fait au moment même l’expérience d’une force dans la faiblesse, d’un sens dans le non sens et d’un amour dans l’isolement.
Je n'invente rien, j'écoute avec étonnement des hommes et des femmes qui me parlent de leur expérience, laquelle ne peut être comprise que comme la manifestation d'une réalité transcendante. Cette réalité transcendante n'est plus ici le contenu d'une croyance mais le contenu d'une expérience.
Karlfried Graf Durckheim - Le Centre de l'Etre - Editions Albin Michel