Une relation intime est une danse de contradictions, dynamique et souvent étourdissante ; parfois délicieuse et séduisante, parfois féroce et combative, parfois énergisante et parfois exténuante.
Cette danse requiert d'être capable de se couler constamment dans des allers-retours entre des pôles opposés - entre se rejoindre et se séparer, saisir et lâcher prise, s'impliquer et donner de l'espace, céder et prendre la tête, se soumettre et rester ferme, être doux et être fort.
Ce n’est pas une danse facile à apprendre. De nombreux couples perdent rapidement le rythme, sont à contre-temps et aboutissent à une impasse dans des positions antagonistes, luttant pour la suprématie, tirant à hue et à dia, attaquant ou battant en retraite.
Ceux qui enseignent cette danse sont peu nombreux et, à mesure que les années passent, les pas de danse conventionnels que notre culture nous a appris semblent de plus en plus raides et démodés. Nous pouvons nous demander comment il est possible de danser avec grâce et puissance.
Ces allées et venues commencent dès que nous sommes attirés par une autre personne qui nous émeut. D'un côté, nous aspirons à rompre notre état séparé et à aller à la rencontre de cette personne qui représente un monde totalement nouveau et inexploré. Pourtant en même temps, nous expérimentons aussi de l'inquiétude. Aller vers quelqu'un d'autre implique certains risques importants et nous nous retrouvons en train de nous cramponner autant que nous le pouvons à cet état même de séparation que nous souhaitons surmonter. Dans notre attirance pour une autre personne, nous semblons nous dilater et nous contracter en même temps, ou du moins selon une alternance rapide.
La pratique de la méditation peut nous apprendre comment nous couler dans la danse de la relation, puisqu'elle est destinée à vaincre la fracture entre soi et l’autre - en premier lieu à l'intérieur de nous-mêmes.
En s’asseyant calmement, en suivant notre respiration tout en laissant nos pensées et sentiments s'élever et disparaître, nous commençons à surmonter la séparation entre notre propre expérience, que nous maintenons souvent à distance. Nous voyons comment la lutte pour nous accrocher à des expériences que nous aimons et pour rejeter celles que nous n'aimons pas, nous maintient coincés dans un esprit réactionnel et nous empêche d'être totalement présent. En nous libérant de cette lutte avec notre expérience, nous découvrons notre nature plus vaste qui a la capacité d'être avec ce qui est, libre de réactivité.
Dans une relation, maintenir notre assise peut signifier maintenir notre propre sens d'intégrité, face aux demandes et aux manipulations extérieures ou aux peurs et aux compulsions intérieures.
Et la pratique méditative de l’abandon des fixations mentales peut correspondre dans une relation au fait de ne pas s’enfermer dans une position fixe, quelle qu’elle soit, de ne pas transformer son ego en une forteresse solide, mais d’accepter volontiers d’adoucir son cœur, de baisser la garde et de se risquer à l’amour.
Au-delà de cela, l'amour entre un homme représente un défi sacré - d'aller au-delà de la poursuite entêtée de gratifications purement personnelles, de la guerre entre soi et l’autre et de découvrir ce qu’il y a de plus essentiel et de plus réel, de percevoir les hauts et les bas de la vie comme formant un tout. En nous aidant à nous guérir de notre aliénation de la vie, des autres et de nous-même, la relation devient un chemin sacré.
Je n'entends pas que la relation soit en elle-même et par elle-même un chemin complet pouvant se substituer à d'autres pratiques spirituelles. Mais si nous aspirons et nous nous consacrons quel que peu à nous éveiller à notre véritable nature, une relation, parallèlement à une pratique qui nous aide à y parvenir, peut alors dans ce contexte, être un moyen particulièrement puissant de nous aider à entrer en contact avec un niveau de vérité plus puissant.
Sous cet angle, les défis difficiles auxquels sont confrontés les hommes et les femmes qui unissent leurs énergies ne sont pas uniquement des épreuves personnelles. Ce sont également des invitations à nous ouvrir au jeu sacré du connu et de l'inconnu, du visible et de l'invisible, et aux vérités plus vastes, nées d'un contact intime avec le grand mystère de la vie elle-même.
John Welwood - Pour une psychologie de l'éveil - Editions La Table Ronde