Pendant la méditation assise, une fois que nous avons fermé les portes et les fenêtres sensorielles, les formations internes enfouies en nous se révèlent parfois sous formes d'images, de sensations ou de pensées.
Nous pouvons remarquer un sentiment d'angoisse, de peur ou un désagrément dont nous ne pouvons cerner la cause. Nous allumons alors la lampe de vigilance et nous préparons à voir cette image, ce sentiment ou cette pensée dans toute sa complexité. Quand ça commence à apparaître, ça peut devenir plus fort et plus intense. On peut trouver ça si fort que cela nous dérobe paix, joie et bien-être.
Nous n'avons alors peut-être plus envie d'entrer en contact avec ça. Nous avons peut-être envie de méditer sur autre chose ou d'arrêter carrément de méditer ; nous pouvons avoir envie de dormir ou de méditer à un autre moment.
En psychologie, on appelle ça la résistance. Nous avons peur de faire émerger à notre conscience les sentiments de douleur enfouis en nous parce que ceux-ci vont nous faire souffrir. Mais si nous pratiquons la respiration et le sourire depuis quelque temps, nous avons développé cette capacité à rester assis tranquille et à simplement observer nos peurs. Tout en restant connecté à notre respiration et en continuant à sourire, nous pouvons dire alors: « Salut, la peur! Te voilà encore. »
Il y a des gens qui pratiquent la méditation assise plusieurs heures par jour et qui ne font jamais vraiment face à leurs sentiments. Certains d'entre eux disent que les sentiments ne sont pas importants - et préfèrent porter leur attention sur des sujets métaphysiques. Je ne dis pas que ces autres sujets n'ont pas d'importance. Mais s'ils sont considérés sans relation avec nos problèmes réels, notre méditation n'aura pas vraiment de valeur ni d'utilité.
C'est un processus similaire à la psychothérapie. Au côté de son patient, un thérapeute cherche la nature de la souffrance. Souvent, le thérapeute peut révéler les causes d'une souffrance. Celle-ci provient de la façon dont le patient regarde les choses, des croyances qu'il a sur lui-même, sur sa culture et sur le monde en général. Le thérapeute examine ces points de vue et ces croyances avec le patient. Ce travail commun aboutit alors à libérer le patient de la prison dans laquelle il est enfermé. Mais les efforts du patient sont cruciaux. Un thérapeute doit savoir éveiller le thérapeute qui sommeille chez son patient.
Le thérapeute ne traite pas le patient en lui offrant un ensemble de nouvelles croyances. Il essaie de l'aider à voir quelles idées et croyances l'ont amené à souffrir ainsi. Beaucoup de patients veulent se débarrasser de leurs émotions douloureuses, mais ils ne veulent pas abandonner leurs croyances et points de vue qui sont les racines mêmes de leurs souffrances. Thérapeute et patient doivent alors travailler ensemble pour que le patient voie les choses telles qu'elles sont.
C'est la même chose quand on utilise la vigilance pour transformer nos sentiments. Après avoir identifié le sentiment, nous être unis à lui, l'avoir calmé et l'avoir lâché, on peut regarder plus profondément les causes, qui sont souvent basées sur des perceptions erronées. Dès que nous comprenons les causes et la nature de nos sentiments, ceux ci commencent à se transformer d’eux-mêmes.
En pratiquant la respiration en pleine conscience, nous pouvons retrouver l'accès à certains de ces nœuds en nous. Quand nous sommes conscients des images, des comportements, des pensées, des paroles et des comportements en nous, nous pouvons nous poser des questions comme: « Pourquoi ne me suis-je pas senti bien quand je l'ai entendu dire ça ? Pourquoi lui ai-je dit ça ? Pourquoi est-ce que je pense toujours à ma mère quand je vois cette femme? Pourquoi n'ai-je pas aimé ce personnage dans ce film? Qui ai-je haï dans le passé - et à qui il ressemblait? » .
Une telle observation méticuleuse peut faire peu à peu remonter à la conscience les formations internes enfouies en nous.
Thich Nhat Hanh - La sérénité de l'instant - Editions J'ai lu