Le yoga n'est rien d'autre.
Sans aucun dynamisme, quelques mouvements sentis se réfèrent tout de suite à la vibration, à la tranquillité. La séance de yoga se termine là. Si le temps et les circonstances se présentent, on peut faire plus, pour la joie de faire, mais l'essentiel est accompli quand on sent ce corps vibrant, comme une chape de silence qui s'insinue dans toutes les couches du corps, l'espace devenu silencieux, le corps senti dans toutes les directions...
Dans cette dilatation, il y a clarté. Dès que je veux me trouver dans ce qui est dit, que je veux comprendre, que je veux quoi que ce soit, je quitte ce silence et de nouveau je me trouve dans le dynamisme mental.
Quand on a expérimenté cela quelques fois, on peut faire des économies! Ce n'est plus la peine de venir dans les séminaires. On reste chez soi, on fait quelques mouvements absurdes des bras, tranquillement. De nouveau, on se trouve dans ce silence, cette tranquillité. Cela suffit. Ce n'est pas la peine d'aller ailleurs pour trouver cela! Où que l'on soit, cette disponibilité demeure. Si, exceptionnellement, on replonge dans l'idée d'avoir une vie, un projet, un futur, on peut une dernière fois faire un séminaire pour retrouver cette évidence... Mais on ne peut pas passer sa vie à aller quelque part pour être tranquille. On est tranquille chez soi. La seule chose qui me fait quitter cette tranquillité, ce silence, c'est de me chercher dans la situation.
La non-clarté est la clarté en train de s'éveiller.
Vivre ce manque de clarté humblement, clairement, pratiquement, sans la moindre prétention qu'il devrait y avoir autre chose que cela. Dès lors que je veux enlever cette non-clarté pour obtenir la clarté, je m'échappe. Là est la véritable non-clarté.
Je sens en moi la non-clarté, la confusion. Je suis exactement comme je peux être, je ne peux pas être autrement. Je dis merci à ce ressenti, parce que je sais que c'est la clarté qui se cherche en moi. J'écoute, je me tais, je me tais de l'idée que je devrais être non confus. Je vibre à ma confusion, je suis présent. Je me rends compte alors que je ne suis pas confus - je sens la confusion. Je ne suis pas agité, je sens l'agitation. L'agitation est en moi, la confusion est en moi, la peur est en moi, le manque de clarté est en moi. Tout cela apparaît dans ma clarté, dans ma disponibilité. Je fais corps avec cela. Je suis libre de tout dynamisme de vouloir changer quoi que ce soit. C'est la seule porte. Il ne peut pas y en avoir d'autre. Ce n'est jamais devant, ce n'est jamais de faire, c'est toujours de revenir ici, présent, tranquille.
Je sens la résonance. Je ne m'occupe plus de la situation, du manque de clarté, du manque de ceci ou de cela. Je sens ce qui est là maintenant. La vérité est dans l'instant. Résonance, disponibilité. Là, un éclaircissement se fait. Si de nouveau - et quelle que soit la raison, parce que, profondément, il n'y a aucune raison - la non-clarté revient, la confusion revient, j'ai un respect profond pour cela.
Il est très important de se rendre compte que l'on n'est pas confus - on sent la confusion. Quelqu'un de vraiment confus ne sait pas qu'il l'est. Il se croit clair. Tous les « libérés » que l'on trouve sur le marché de la spiritualité et qui se croient clairs, voilà la confusion. Quand je sens la confusion, c'est que je vis la clarté. C'est parce que je suis clair que je perçois en moi la confusion, parce que je suis détendu que je perçois en moi la tension. Les gens tendus pensent être détendus. Quand on commence à être détendu, on se rend compte que l'on est tendu. Je me rends compte de la confusion, c'est la clarté en train de s'ouvrir en moi. Je reste là.
Ce qui doit s'accomplir s'accomplit, il n'y a rien à faire pour cela. Dès le moment où je veux me clarifier, là je suis dans la confusion. Je peux uniquement ajourner la confusion, la camoufler et me croire sage, libre ou autre chose. Donc je reviens à la résonance, à maintenant, à ce que je sens dans l'instant. Si c'est la tristesse, la tristesse est l'essentiel. Si c'est l'agitation, l'agitation est l'essentiel. Ce que je sens dans l'instant est ce qui est ultime. Il n'y a rien d'autre. Tout le reste, ce sont des histoires.
Si l'on joue avec le corps, c'est pour se familiariser avec cette évidence : je sens la tension, je ne suis pas tendu. Puis cela va se transposer. De cette résonance, de cette disponibilité au conflit va jaillir la résonance pour faire du yoga, pour manger convenablement, voir un thérapeute, changer de mari, acheter une nouvelle voiture... L’évidence est là. Je ne fais que la suivre, je n'agis pas dans un but ou un autre. Là est l'action véritable. Mais toute action intentionnelle est une forme d'enfantillage qui, à un moment donné, cesse de se présenter. Sans but à l'action, un véritable dynamisme non psychologique apparaît. Il contient toutes les actions possibles.
Eric Baret - Le seul désir - Editions Almora