... En mettant l'accent sur la présence du regard, sans comparer ni évaluer. C'est en fait une absence de tout objet. Ce regard s'impose alors, sensation comparable à une attitude de laisser-venir pour souhaiter la bienvenue. Quand la perception pure n'est pas conceptualisée, l'observateur et la chose observée se fondent l'un dans l'autre : c'est la présence. On "bascule" si l'on peut dire. C'est le sujet qui permet à l'objet de vivre, lorsqu'il retrouve son innocence, ils disparaissent l'un et l'autre et reste seule : l'unité, la pure lumière.
Dans l'acte de voir, personne ne regarde, rien n'est visualiser ; ce serait un concept, vous seriez sur un plan mental. Dans la vision, dans l'écoute, il y a simplement regard, écoute.
La présence se manifeste en tant que telle uniquement dans notre absence, lorsque l'on cesse de s'identifier avec ce que nous ne sommes pas, c'est un surgissement spontané. Nous pensons parfois à des proches sans les juger, sans les comparer, sans intention, en leur laissant la liberté d'"être". En retenant ce moment qui nous appelle pour connaitre soi-même le silence, non comme une absence d'objet mais comme une expansion, comme notre espace. Découvrir que nous sommes totalement en identité avec cette sérénité, cette paix intérieure, cette joie ineffable.
Pour comprendre un "objet", nous devons d'abord l'accepter. Comme ce mot est un peu teinté de fatalisme, employons plutôt accueillir ; accueillir l'"objet", la situation, sans référence au passé, sans choix. Voilà un regard "normal" sur la vie. Nous sommes libre de la chose en quelque sorte, elle est en nous, nous ne sommes pas en elle, elle s'aperçoit en nous.
Dans cette expérience nous découvrons notre espace, sans aucune substance, sans aucune énergie : il y a uniquement une présence et en dernier lieu, si on peut parler de dernier lieu, c'est une présence à la présence.
Jean Klein - A l'écoute de Soi - Editions les Deux Océans