L’amour est cette étonnante lentille qui relie entre eux les mondes singulier et universel. Il est nécessaire que la personne qu’on aime ait des caractéristiques individuelles particulières, et non pas générales, et c'est alors qu’elle éveillera en nous cette flamme qui nous transportera au-delà de la singularité, dans l'universel.
Vouloir gommer les différences individuelles pour englober tout le monde dans un amour neutre ne conduit pas à l’universalité, mais à une fade généralisation. L’universel n’est pas le dénominateur commun des êtres, mais cette part d’éternité qui gît en chaque être singulier, et qu’on ne découvre que si on l’accepte dans ce qu’il a de plus singulier.
Accepter ce qui est là, dans une présence inconditionnelle à l’instant, accepter chaque être et chaque chose, dans sa totale singularité, est le seul chemin qui nous permette de transcender notre propre singularité pour y découvrir notre universalité.
Soi et l’autre ne sont pas des objets parmi d'autres dans la création: ils sont chacun des puits insondables, et tant qu’il ne font que se toucher, chacun restant dans son propre quant-à-soi, ils ne sont que des surfaces, ignorant totalement leur propre profondeur.
Seul l’amour les révèle à eux-mêmes en leur dévoilant l’intimité qu’ils partagent avec l’autre au plus profond d’eux-mêmes. Ils ne touchent chacun leur propre fond, qui s’avère être en fait le fond commun à tous, qu’en y plongeant sans réserve grâce à la confiance totale et à l'abandon de soi que permet l’amour.
Accueillir l’autre, c’est se décoller d’un soi préfabriqué qui nous bouche l’horizon de notre propre être, et c’est donc aussi bien découvrir l'autre que sa vraie nature.
L'amour, c'est l' ouverture à l'autre. Appliqué à soi-même, il ne pourrait s'agir que d'essayer d'aimer quelque chose en soi qu'on ressent comme “autre”, quelque chose donc qu'on n'accepte pas, autrement dit les parties “mal-aimées”. Cela, il faut le faire absolument, sans quoi on butera toujours sur ces poches d'attachement à soi non dissoutes. Tant qu'on ne les accepte pas, on y reste accroché, car le désir qu'on a d'être autre est paradoxalement attachement à soi: on s'attache à une image idéalisée de soi, et cela, c'est du narcissisme.
Il est nécessaire de s'accepter pour pouvoir aimer. Tant qu'on ne s'accepte pas, on reste attaché à une image de soi à laquelle on tient, une image autre que ce qui est — autrement dit l'ego. Dès lors par contre qu'on s'accepte, qu'on accepte ce qui est, on peut se donner dans l’amour, et ce qu'on donne alors, c'est du vrai.
L’amour est don de soi, il est désappropriation, ce qui ne veut pas dire pour pourtant perte, car ce n’est au contraire qu’en se donnant qu’on se débarrasse de ce qui nous retient en nous-mêmes, et qu’on débouche sur notre nature éternelle.
Extrait d'un texte trouvé sur Internet