vendredi 9 janvier 2009

Charles Genoud - La présence, expérience sans jugements

Charles Genoud conduit des retraites dans les traditions vipassana et tibétaines. L'extrait est tiré d'une retranscription d'un enseignement donné à Paris.

www.vimalakirti.org


Dans ma méditation, une expérience surgit. A cet instant, j’ai une certaine qualité de présence. Si j’ai envie de la modifier, de l’améliorer, car je ne la trouve pas suffisamment bonne, que se passe-t-il ?

Il se passe qu’il y a d’abord une expérience de présence, puis une conceptualisation et que je l’évalue en disant "médiocre". Cette évaluation n’a rien à voir avec l’expérience elle-même. L’expérience c’est l’expérience. Le jugement que je porte me fait déjà passer de l’expérience elle-même au concept ou image de l’expérience, estimée médiocre. Et maintenant, j’amène à la conscience une autre image, un autre concept, de quelque chose de mieux, que je vais essayer de promouvoir.

Cela signifie qu’en méditation, dès que nous sommes dans un processus de transformation, nous quittons le domaine de l’expérience pour passer à celui de l’imaginaire. Or, l’imaginaire n’a pas l’épaisseur, la densité de l’expérience réelle.
Vivre dans l’imaginaire pour évaluer chaque expérience, vouloir l’améliorer au moyen de l’idée d’une meilleure expérience, nous établit nécessairement dans une faible qualité de présence, nous laisse frustrés car la possibilité d’une expérience pleine, la possibilité de plénitude n’existe pas lorsqu’on vit à la surface des choses, comme dans l’évaluation et la transformation.

Elles nous font quitter le domaine de l’expérience pour passer dans l’imaginaire de l’expérience. Cette conceptualisation des expériences surgit très rapidement. Parfois, en méditation, il est possible que nous n’adhérions pas à ce processus quand la qualité de présence est suffisamment stable et claire.

Il se peut donc, dans ce cas, ou si le pouvoir de fascination de la conceptualisation a perdu de sa forme, que nous ne passions pas directement de l’expérience à sa conceptualisation. Alors nous restons dans une intimité beaucoup plus profonde avec nous-mêmes, avec notre vie.


Charles Genoud. Extrait d'un enseignement 2003