OM C. Parkin est enseignant de l’Advaita en Allemagne. Il est aussi l’auteur de livres et articles. Certains sont en français sur son site. Le texte suivant s'articule autour d'un entretien sur la question de l'effort et de son paradoxe, le non-effort.
http://www.om-c-parkin.de
Joachim-Ernst Berendt: OM, je t'entends souvent parler du non-effort. Tu dis "Ça arrive" et "Il n'y a rien à faire" . Cependant, tu proposes une formation pluriannuelle. Pourquoi travailles-tu avec des gens s'il n'y a rien à faire?
OM: Le paradoxe du chemin spirituel semble être qu'il faille un effort total pour réaliser le non-effort. Je pourrais assimiler l'effort total d'une part à une volonté complète et d'autre part à une complète disponibilité à laisser tout le travail intérieur requis se faire. Je travaille avec des gens pour leur permettre de reconnaître qu'aucun travail intérieur n'est nécessaire . Comment résoudre cette contradiction ? Et bien, lorsque je travaille avec des gens , je leur transmets que ce ne sont pas eux qui ont à faire un travail intérieur mais qu'ils ont uniquement à lui permettre de se faire. Cela signifie que ce qui s'est embrouillé va se déployer, se révéler spontanément lorsque le Moi abandonne la tension qu'il entretient artificiellement. Si nous nous imaginons un ressort en tension, celui-ci se détend tout naturellement au moment où la tension sera relâchée. Le mental pensant, le faux Moi, est une tension maintenue artificiellement qui empêche ou ne permet pas un déroulement naturel.
JEB: Oui, le mental retient tout. C'est sa tendance: maintenir, garder, retenir, adhérer, ne pas permettre de libre flux. Cette contradiction entre simplicité et difficulté m'a aidé par deux aspects : d'abord, dans cette aspiration, cet irrésistible désir ardent, je me dis à chaque difficulté que je rencontre "Quels radotages! Ce ne sont que des difficultés créées par mon mental." Ensuite, viennent tes paroles souvent répétées:"Cela arrive". Il suffit d'être en silence et de sentir "Cela arrive", puis, il se passe beaucoup de choses.
OM: La difficulté n'est pas le travail en soi, mais la résistance au travail, car nous savons que le mental pensant, en instrument divisé, contient à chaque ''oui'' une équivalence en "non". Lorsqu'il s'efforce de dire "oui" c'est seulement parce que dans l' inconscient se cache un "non". Quand il s'astreint à "vouloir", l'inconscient dissimule un "je ne veux pas". Cette scission constante qui n'apparaît pas en pleine conscience transforme le travail intérieur nécessaire en une grande difficulté. Le deuxième obstacle est le refus ou l'indisposition à rester avec les phénomènes des zones inconfortables du mental. Chaque animal - et le principe de plaisir est un principe animal- cherche tout naturellement les endroits où il se sent à l'aise. Il en est de même pour l'humain qui dans son Moi limité s'identifie aux instincts du corps animal. Le chemin spirituel s'éloigne du principe de plaisir.Satyam Nadeen avisait ses élèves: "J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous. La bonne nouvelle est que la libération des conditionnements humains est à la disposition de chacun de vous en ce moment. La mauvaise , c'est que vous devez tous traverser la nuit noire de l'âme". Dans le moment d'inconfort, qui peut atteindre l' insupportable, beaucoup ne sont pas prêts à rester dans le "quatrième état". Être dans le quatrième état signifie rester dans un état méditatif d'immobilité intérieure, sans fuir , sans aller ailleurs (se distraire), et sans lutter contre.
Ces trois mouvements fondamentaux conduisent au sommeil de la conscience que nous éprouvons si douloureusement comme séparation de nous-mêmes. Dans la présence nue de nous-mêmes, il y a des phénomènes qui semblent d'abord insupportables. Cependant, ils ne le sont que si nous nous identifions à eux par l'un des trois mouvements au lieu de rester immobile dans le "quatrième état", l'être témoin. Une personne normale n'imagine aucunement cette possibilité de rester intérieurement juste tranquille, parce que personne ne la lui a enseignée. Quoiqu' il arrive, rester dans cette immobilité sans jamais détourner l'œil de la conscience - alors, tout se consume. Peur, colère, désespoir, culpabilité, les images, les représentations, tous ces cauchemars et visions d'horreur de l'esprit brûlent simplement . Le monde entier, qui est souffrance, se consume ainsi dans la conscience.
JEB: Peux-tu en dire plus au sujet de cette importante expression "se consumer"?
OM: La souffrance se consume, brûle d'elle-même; c'est cela la simplicité. Celui qui reconnaît que la souffrance n'est pas consumée par l'effort mais finalement par l'abandon complet de tout effort, celui-là reconnaît la simplicité de l'Être. Depuis quelques années Satsang et le non-enseignement de l'Advaita, qui est à son origine, rencontrent un succès grandissant en Occident. Beaucoup fêtent Satsang comme étant "Le nouvel enseignement de la facilité". Ils pensent maintenant "En réalité je suis déjà éveillé" et se détournent de toute forme de travail thérapeutique ou de Sadhana (exercice d'une discipline spirituelle) qu'ils considèrent désormais un concept. Le mental se sert du concept de non-travail pour justifier ainsi son manque de sérieux, son goût du confort. Puis il appelle cela "Juste faire ce qui me fait plaisir" ou " Célébrer la vie". Le concept de" Il n'y a rien à faire" est très attractif pour le goût du confort, passion principale du mental. Avec la propagation de Satsang, se diffuse aussi le malentendu concernant le non-effort, la confusion entre facilité et simplicité. La facilité n'est pas la simplicité, elle est seulement le refus de la difficulté qui survient dans l'effort du travail.
D'autre part, il y a aussi les très vieux malentendus religieux au sujet de l'effort. Nous tous, en Occident, vivons encore les malentendus de l'Eglise chrétienne et de ses générations de croyants, d'enseignants non éveillés. Une affirmation religieuse primaire est : "Efforce-toi de devenir un être humain bon!". Cette déclaration fondamentale implique "Tu es un pécheur, tu es un être mauvais. Efforce-toi de devenir meilleur. Repents-toi, purifie-toi." C'est pourquoi il y a pénitence et expiation. Dans toutes les religions il y a différents moyens pour se purifier, s'améliorer. Tout cela présume que tu es un être mauvais et l'effort qui en découle n'est rien d'autre que la tentative de réparer cet "être mauvais" , de te débarrasser de cette faute que tu as apparemment endossée, ou pour le moins de l'alléger. C'est le cercle vicieux infernal dans lequel t'amène le mental pensant traître, auteur de ce système. En vérité, reconnaîs qu'il est sans espoir et que jamais tu n'es en mesure de remédier à cette culpabilité, cette méchanceté , cette malignité - pour citer différents termes renvoyant à la même idée. C'est, je l'exprime souvent à l'aide d'une image simple, comme si tu voulais corriger une soupe trop salée en y ajoutant du sucre pour la neutraliser. Cela ne fonctionne que d'une manière très, très limitée. En fait, dans la dualité c'est impossible car ce serait une tentative de vaincre la dualité dans la dualité. En définitive, il s'agit de reconnaître qu' "être mauvais" , "être bon" et l'effort que tu mets en œuvre pour sortir d'un état que tu ressens comme mauvais ou coupable, que tout cela est un concept du mental pensant et n'a rien à voir avec Dieu. Dieu n'a pas dit "cela est bien" ou "cela est mauvais". C'est un système dont l'auteur est le mental pensant.
JEB: Dans la mythologie grecque aussi il y a cette image de Sisyphe qui pousse son rocher vers le sommet de la montagne et, invariablement avant qu'il n'atteigne la cime, ce même rocher dévale la pente et tout est à refaire.
OM: C'est l'idée de la damnation. Et la damnation est un concept rigidifié, endurci du mental, résultant de l'idée de culpabilité. Si nous étudions de près la culpabilité et tous les efforts nécessaires pour en sortir, alors nous constatons que la culpabilité ne vient jamais de la vie de ce moment, mais toujours d'ailleurs. Elle n'est jamais Ici, jamais Maintenant. Elle est toujours ailleurs, dans ce que nous appelons le passé. Le lourd fardeau du temps. Poonjaji disait: "Time is mind and mind is time". Cela signifie que le temps n'est qu'une autre expression pour mental, pour mental pensant.
http://www.om-c-parkin.de
Joachim-Ernst Berendt: OM, je t'entends souvent parler du non-effort. Tu dis "Ça arrive" et "Il n'y a rien à faire" . Cependant, tu proposes une formation pluriannuelle. Pourquoi travailles-tu avec des gens s'il n'y a rien à faire?
OM: Le paradoxe du chemin spirituel semble être qu'il faille un effort total pour réaliser le non-effort. Je pourrais assimiler l'effort total d'une part à une volonté complète et d'autre part à une complète disponibilité à laisser tout le travail intérieur requis se faire. Je travaille avec des gens pour leur permettre de reconnaître qu'aucun travail intérieur n'est nécessaire . Comment résoudre cette contradiction ? Et bien, lorsque je travaille avec des gens , je leur transmets que ce ne sont pas eux qui ont à faire un travail intérieur mais qu'ils ont uniquement à lui permettre de se faire. Cela signifie que ce qui s'est embrouillé va se déployer, se révéler spontanément lorsque le Moi abandonne la tension qu'il entretient artificiellement. Si nous nous imaginons un ressort en tension, celui-ci se détend tout naturellement au moment où la tension sera relâchée. Le mental pensant, le faux Moi, est une tension maintenue artificiellement qui empêche ou ne permet pas un déroulement naturel.
JEB: Oui, le mental retient tout. C'est sa tendance: maintenir, garder, retenir, adhérer, ne pas permettre de libre flux. Cette contradiction entre simplicité et difficulté m'a aidé par deux aspects : d'abord, dans cette aspiration, cet irrésistible désir ardent, je me dis à chaque difficulté que je rencontre "Quels radotages! Ce ne sont que des difficultés créées par mon mental." Ensuite, viennent tes paroles souvent répétées:"Cela arrive". Il suffit d'être en silence et de sentir "Cela arrive", puis, il se passe beaucoup de choses.
OM: La difficulté n'est pas le travail en soi, mais la résistance au travail, car nous savons que le mental pensant, en instrument divisé, contient à chaque ''oui'' une équivalence en "non". Lorsqu'il s'efforce de dire "oui" c'est seulement parce que dans l' inconscient se cache un "non". Quand il s'astreint à "vouloir", l'inconscient dissimule un "je ne veux pas". Cette scission constante qui n'apparaît pas en pleine conscience transforme le travail intérieur nécessaire en une grande difficulté. Le deuxième obstacle est le refus ou l'indisposition à rester avec les phénomènes des zones inconfortables du mental. Chaque animal - et le principe de plaisir est un principe animal- cherche tout naturellement les endroits où il se sent à l'aise. Il en est de même pour l'humain qui dans son Moi limité s'identifie aux instincts du corps animal. Le chemin spirituel s'éloigne du principe de plaisir.Satyam Nadeen avisait ses élèves: "J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour vous. La bonne nouvelle est que la libération des conditionnements humains est à la disposition de chacun de vous en ce moment. La mauvaise , c'est que vous devez tous traverser la nuit noire de l'âme". Dans le moment d'inconfort, qui peut atteindre l' insupportable, beaucoup ne sont pas prêts à rester dans le "quatrième état". Être dans le quatrième état signifie rester dans un état méditatif d'immobilité intérieure, sans fuir , sans aller ailleurs (se distraire), et sans lutter contre.
Ces trois mouvements fondamentaux conduisent au sommeil de la conscience que nous éprouvons si douloureusement comme séparation de nous-mêmes. Dans la présence nue de nous-mêmes, il y a des phénomènes qui semblent d'abord insupportables. Cependant, ils ne le sont que si nous nous identifions à eux par l'un des trois mouvements au lieu de rester immobile dans le "quatrième état", l'être témoin. Une personne normale n'imagine aucunement cette possibilité de rester intérieurement juste tranquille, parce que personne ne la lui a enseignée. Quoiqu' il arrive, rester dans cette immobilité sans jamais détourner l'œil de la conscience - alors, tout se consume. Peur, colère, désespoir, culpabilité, les images, les représentations, tous ces cauchemars et visions d'horreur de l'esprit brûlent simplement . Le monde entier, qui est souffrance, se consume ainsi dans la conscience.
JEB: Peux-tu en dire plus au sujet de cette importante expression "se consumer"?
OM: La souffrance se consume, brûle d'elle-même; c'est cela la simplicité. Celui qui reconnaît que la souffrance n'est pas consumée par l'effort mais finalement par l'abandon complet de tout effort, celui-là reconnaît la simplicité de l'Être. Depuis quelques années Satsang et le non-enseignement de l'Advaita, qui est à son origine, rencontrent un succès grandissant en Occident. Beaucoup fêtent Satsang comme étant "Le nouvel enseignement de la facilité". Ils pensent maintenant "En réalité je suis déjà éveillé" et se détournent de toute forme de travail thérapeutique ou de Sadhana (exercice d'une discipline spirituelle) qu'ils considèrent désormais un concept. Le mental se sert du concept de non-travail pour justifier ainsi son manque de sérieux, son goût du confort. Puis il appelle cela "Juste faire ce qui me fait plaisir" ou " Célébrer la vie". Le concept de" Il n'y a rien à faire" est très attractif pour le goût du confort, passion principale du mental. Avec la propagation de Satsang, se diffuse aussi le malentendu concernant le non-effort, la confusion entre facilité et simplicité. La facilité n'est pas la simplicité, elle est seulement le refus de la difficulté qui survient dans l'effort du travail.
D'autre part, il y a aussi les très vieux malentendus religieux au sujet de l'effort. Nous tous, en Occident, vivons encore les malentendus de l'Eglise chrétienne et de ses générations de croyants, d'enseignants non éveillés. Une affirmation religieuse primaire est : "Efforce-toi de devenir un être humain bon!". Cette déclaration fondamentale implique "Tu es un pécheur, tu es un être mauvais. Efforce-toi de devenir meilleur. Repents-toi, purifie-toi." C'est pourquoi il y a pénitence et expiation. Dans toutes les religions il y a différents moyens pour se purifier, s'améliorer. Tout cela présume que tu es un être mauvais et l'effort qui en découle n'est rien d'autre que la tentative de réparer cet "être mauvais" , de te débarrasser de cette faute que tu as apparemment endossée, ou pour le moins de l'alléger. C'est le cercle vicieux infernal dans lequel t'amène le mental pensant traître, auteur de ce système. En vérité, reconnaîs qu'il est sans espoir et que jamais tu n'es en mesure de remédier à cette culpabilité, cette méchanceté , cette malignité - pour citer différents termes renvoyant à la même idée. C'est, je l'exprime souvent à l'aide d'une image simple, comme si tu voulais corriger une soupe trop salée en y ajoutant du sucre pour la neutraliser. Cela ne fonctionne que d'une manière très, très limitée. En fait, dans la dualité c'est impossible car ce serait une tentative de vaincre la dualité dans la dualité. En définitive, il s'agit de reconnaître qu' "être mauvais" , "être bon" et l'effort que tu mets en œuvre pour sortir d'un état que tu ressens comme mauvais ou coupable, que tout cela est un concept du mental pensant et n'a rien à voir avec Dieu. Dieu n'a pas dit "cela est bien" ou "cela est mauvais". C'est un système dont l'auteur est le mental pensant.
JEB: Dans la mythologie grecque aussi il y a cette image de Sisyphe qui pousse son rocher vers le sommet de la montagne et, invariablement avant qu'il n'atteigne la cime, ce même rocher dévale la pente et tout est à refaire.
OM: C'est l'idée de la damnation. Et la damnation est un concept rigidifié, endurci du mental, résultant de l'idée de culpabilité. Si nous étudions de près la culpabilité et tous les efforts nécessaires pour en sortir, alors nous constatons que la culpabilité ne vient jamais de la vie de ce moment, mais toujours d'ailleurs. Elle n'est jamais Ici, jamais Maintenant. Elle est toujours ailleurs, dans ce que nous appelons le passé. Le lourd fardeau du temps. Poonjaji disait: "Time is mind and mind is time". Cela signifie que le temps n'est qu'une autre expression pour mental, pour mental pensant.